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        INTRODUCTION Le 
        modèle du Big-Bang suppose que l'univers a été formé 
        à partir de particules agissant entre elles, qui se sont associées 
        pour former des noyaux, puis des atomes, puis des molécules, puis 
        des objets de plus en plus étendus et complexes, donnant naissance 
        à l'arbre entier des êtres vivants, des bactéries 
        aux animaux munis de conscience. Un réductionnisme strict ne peut 
        pas expliquer comment cette évolution a été possible, 
        comment de nouvelles propriétés ont pu émerger et 
        surmonter les sauts d'énergie entre les niveaux. Notre 
        but est de proposer un modèle mathématique, basé 
        sur la théorie des catégories (cf. Mac Lane [18]), qui justifie 
        un "réductionnisme émergentiste" au sens de Mario Bunge 
        [3]. Cet article présente des résultats que nous avons développés 
        dans une série de publications depuis 15 ans, dont un sommaire 
        peut être trouvé dans notre site Internet. Il repose sur 
        le principe de multiplicité (généralisant le "principe 
        de dégénérescence" de Edelman [9]) qui affirme l'existence 
        d'objets complexes, appelés objets multiface, qui peuvent "balancer" 
        entre plusieurs configurations en éléments plus simples. 
        Si une catégorie K satisfait ce principe, nous montrons que n'importe 
        quelle complexification de K le satisfait également, et nous expliquons 
        comment ceci entraîne l'émergence d'objets multiface de plus 
        en plus complexes dont les propriétés ne sont pas réductibles 
        à celles de leurs constituants de niveau inférieur, mais 
        dépendent d'une façon précise de la structure globale 
        de ce niveau inférieur (d'où un genre de délocalisation 
        contrôlée). Ce 
        modèle peut être appliqué aux systèmes naturels 
        parce que les lois de la physique quantique assurent que le principe de 
        multiplicité est satisfait dans la catégorie des particules 
        et des atomes, de sorte qu'il sera également satisfait dans les 
        systèmes obtenus par évolution de cette catégorie. 
        Il donne un sens précis au fait que les propriétés 
        quantiques sont à l'origine de l'émergence de processus 
        d'ordre supérieur jusqu'à la conscience, comme divers auteurs 
        l'ont proposé (par exemple, Hameroff et Penrose [16], Pribram [23],…). La 
        section 2 est consacrée au modèle mathématique 
        général ; les outils catégoriques sont seulement 
        brièvement définis et nous renvoyons à la section 
        4 pour des définitions précises des mots suivis d'un 
        astérisque. Il est ensuite appliqué à l'évolution 
        des systèmes naturels tels que les systèmes biologiques 
        et neuraux, modélisés par les Systèmes Evolutifs 
        à Mémoire (SEM), qui sont des systèmes autonomes 
        anticipatifs (au sens de Rosen [24], cf. également [7]). Dans 
        la section 3, les systèmes cognitifs, modélisés 
        par le SEM des neurones, sont étudiés plus en détail, 
        soulignant le signification du principe de multiplicité dans ce 
        cas. En particulier, nous décrivons comment les animaux supérieurs 
        deviennent capables d'enregistrer leurs expériences et de les classifier 
        pour développer une sémantique. L'existence d'une telle 
        sémantique permet le développement, à partir de la 
        naissance, d'un sous-ensemble du SEM, le noyau archétypal, dont 
        les objets multiface intègrent toutes les expériences sensorielles, 
        émotives, motrices et les stratégies qui leur sont associées 
        ; ses liens sont forts, rapidement activés, graduellement renforcés 
        et sont ainsi à la base de la notion d'individu. Nous 
        caractérisons la conscience comme le processus qui, se fondant 
        sur ce noyau archétypal, intègre les dimensions temporelles 
        : (i) Un nouvel événement déclenchera une recherche 
        sémiotique dans le noay archétypal qui, par balancements 
        entre configurations d'objets multiface, mène à la formation 
        d'un paysage étendu "holiste", dont les objets sont les perspectives 
        temporelles de l'événement et de ses réflexions internes 
        ; (ii) ce paysage étendu permet d'exécuter un processus 
        de rétrospection jusque dans les niveaux inférieurs du passé 
        proche pour trouver, par abduction, les causes de l'événement 
        actuel, et (iii) un procédé de prospection (orienté 
        vers le futur) pour choisir des stratégies à long terme 
        permettant de répondre de la manière la plus adaptative.   2 
        UN MODÈLE GÉNÉRAL DE L'ÉMERGENCE 2.1 
        Systèmes Evolutifs L'état 
        d'un système, tel qu'un système biologique, social ou neural, 
        à l'instant t est modélisé par une catégorie* 
        : ses objets représentent les composants (de tous niveaux) du système, 
        et ses morphismes (appelés liens) leurs interactions dans 
        le système aux environs de ce temps. Ces liens peuvent représenter 
        des relations structurales plus ou moins stables telles que des relations 
        causales ou topologiques (par exemple, desmosomes entre cellules adjacentes), 
        des canaux transmettant une information, des contraintes spatiales ou 
        énergétiques, ou des interactions provisoires entre deux 
        composants. La loi de composition associe à 2 liens successifs 
        leur interaction cumulative ; elle est associative et ainsi elle permet 
        de distinguer parmi les chemins de liens successifs ceux qui correspondent 
        à des interactions cumulatives équivalentes. Les 
        changements entre états successifs du système sont représentés 
        par des foncteurs* partiels entre les catégories correspondantes, 
        de sorte que le système est représenté par un Système 
        Evolutif* K, à savoir une suite de catégories 
        Kt représentant les états du système 
        aux dates successives t d'une échelle de temps (finie ou 
        infinie) T, et des foncteurs partiels entre elles, appelés transitions 
        (Ehresmann et Vanbremeersch [10]).  Un 
        sous-système* de K est un système évolutif 
        tel que son échelle de temps S est incluse dans T, qu'à 
        chaque date s de S sa catégorie est une sous-catégorie 
        de Ks et ses transitions sont des restrictions de celles 
        de K 2.2 
        Objets Complexes Dans 
        les systèmes naturels, les objets sont répartis en différents 
        niveaux de complexité, chaque niveau satisfaisant ses propres règles. 
        Il y a des liens internes à un niveau, mais également des 
        liens interniveaux. Un objet du niveau n+1 est un agrégat 
        d'objets du niveau n, liés par des interactions fortes entre 
        eux qui déterminent leur cohésion dans l'agrégat. 
        Par exemple dans un atome, le noyau et les électrons sont unis 
        par les forces d'attraction entre les électrons et les protons, 
        et les forces de répulsion entre les électrons et l'intérieur 
        du noyau ; ainsi l'atome a une organisation interne dépendant de 
        sa configuration électronique. Comment 
        pouvons-nous modéliser une telle organisation hiérarchique 
        dans une catégorie ? L'idée est d'utiliser l'opération 
        bien connue de colimite (Kan [17]), de sorte qu'un agrégat N soit 
        modélisé par la colimite d'un pattern d'objets liés 
        représentant son organisation interne.   Un 
        pattern* P est défini comme une famille d'objets Ni 
        de la catégorie et de liens distingués entre eux. Un lien 
        collectif* de P vers un objet N' est une famille de liens (fi: 
        Ni ® N') corrélés par les liens distingués 
        du pattern. Les liens collectifs représentent des interactions 
        cohérentes (contraintes, transferts d'énergie ou d'information) 
        effectuées par tous les Ni agissant de manière 
        coopérative grâce à leurs liens distingués, 
        interactions qui ne pourraient pas être réalisées 
        par les objets du pattern agissant individuellement.
 Un 
        pattern P peut avoir les liens collectifs vers plusieurs objets. P a un 
        agrégat si, parmi ces liens collectifs, il y en a un "optimal", 
        c'est-à-dire s'il en existe un (ci: Ni 
        ® N) par lequel tous les autres se factorisent. En termes catégoriques, 
        ceci signifie que N est la colimite* de P ; nous disons également 
        que N recolle (Paton [22]) le pattern P ; ou, vu dans la direction 
        opposée, que P est une décomposition de l'objet complexe 
        N. La colimite a des propriétés localisées en tant 
        que donnant une représentation objectale du pattern qu'elle recolle 
        et qui acquiert ainsi une stabilité dynamique ; mais elle a également 
        des implications "globales" pour son environnement par suite de sa "propriété 
        universelle" de factoriser chaque lien collectif. Une 
        colimite ne doit pas être confondue avec la simple somme* 
        des objets du pattern (pris sans leurs liens distingués), qui ne 
        tient pas compte de leur comportement cohérent. Par exemple, dans 
        la catégorie des objets quantiques (particules jusqu'aux atomes) 
        avec leurs interactions, une superposition ou un "entanglement" est une 
        colimite, alors qu'un état mélangé est seulement 
        une somme.  2.3 
        Principe de Multiplicité (MP) Certaines 
        interactions entre objets complexes proviennent directement d'interactions 
        distribuées entre les constituants du niveau inférieur de 
        ces objets ; en termes d'énergie elles n'ajoutent rien de nouveau 
        à ce qui est connu à ce niveau inférieur. Dans le 
        modèle catégorique, elles sont modélisées 
        par les liens simples : si N est la colimite de P et de N' la colimite 
        de P', un lien (P,P')-simple* de N à N' est un lien qui 
        recolle une gerbe de liens de P à P' ; une telle gerbe* 
        est une famille de liens des objets Ni de P vers les 
        objets N'j de P', bien corrélés par les 
        liens distingués des deux patterns, de sorte qu'ils envoient collectivement 
        des informations cohérentes à P'. En 
        gros, un lien simple "institutionnalise" la gerbe, sans ajouter  aucune 
        information qui n'est pas accessible au niveau des patterns. Par exemple, 
        en embryologie, l'induction d'une population de cellules par une autre 
        correspond à la formation d'un lien simple. Un composé de 
        liens simples recollant des gerbes adjacentes est un lien simple. Cependant 
        dans certaines catégories il existe les liens qui ne sont pas simples 
        bien que composés de liens simples, mais recollant des gerbes non 
        adjacentes ; on les appelle des liens complexes*. Ceci est 
        possible s'il existe des objets N' qui sont la colimite de deux patterns 
        non équivalents*, disons P' et R' ; de tels objets sont dits multiface, 
        et le passage entre P' et R' s'appelle un balancement complexe. 
        Pendant l'évolution du système, il permet que P' et R' échangent 
        leur rôle fonctionnel, bien qu'il n'y ait aucune interaction localisée 
        distribuée parmi leurs constituants. Nous 
        verrons que l'existence de balancements complexes a des conséquences 
        importantes pour le problème de l'émergence. Ainsi nous 
        avons introduits (Ehresmann & Vanbremeersch [12]) : Définition. 
        Une catégorie vérifie le Principe de Multiplicité 
        (abrégé en MP) si certains de ses objets sont multiface, 
        c'est-à-dire s'il existe des patterns non équivalents admettant 
        la même colimite. Un système évolutif satisfait le 
        MP si ses catégories d'états satisfont le MP. Si 
        la catégorie satisfait le MP, il existe des liens complexes. Un 
        lien complexe de N à N" est obtenu comme composé 
        d'un lien (P,P')-simple de N à un objet multiface N' avec un lien 
        (R',P")-simple de N' à N", où P' et R' sont deux décompositions 
        non équivalents de l'objet multiface N'. Il représente des 
        propriétés qui ne dépendent pas seulement des interactions 
        entre les objets des décompositions P et P" de N et de N", mais 
        également, d'une façon plus compliquée, sur les propriétés 
        des décompositions P' et R' de l'objet multiface intermédiaire 
        N' et sur l'existence d'un balancement complexe entre P' et R' (e.g. représentant 
        une transformation énergétique). Ainsi ce lien a des propriétés 
        émergentes globales relativement aux décompositions de N 
        et de N" donnés par P et P", ces nouvelles propriétés 
        dépendent de la structure de niveau inférieur, mais prise 
        dans sa globalité et pas seulement localement au travers des constituants 
        de N et de N". Un composé de liens complexes est un lien complexe 
        (ou, rarement, un lien simple). Les 
        lois de la physique quantique assurent que le MP est satifait dans le 
        système quantique, modélisant le système des 
        particules quantiques et des atomes avec leurs interactions. En effet, 
        un atome est représenté par la colimite de n'importe laquelle 
        de ses configurations électroniques en orbitales atomiques, et 
        il y a des balancements complexes entre les configurations liées 
        à différents niveaux d'énergie. De ceci, nous déduirons 
        (cf. Section 2,6) que le MP est également satisfait dans 
        les systèmes naturels, puisqu'ils sont obtenus à partir 
        de sous-systèmes du système quantique par le procédé 
        de complexification. Dans de tels systèmes concrets un balancement 
        complexe correspond généralement à une transformation 
        d'énergie ; il peut se voir comme une fluctuation aléatoire 
        dans l'organisation interne d'un objet qui ne modifie pas sa fonctionnalité 
        au niveau plus élevé : plusieurs micro-états peuvent 
        mener au même macro-équilibre. Un exemple d'un tel balancement 
        est le passage entre génotypes avec des allèles différents 
        mais menant au même phénotype. 2.4 
        Systèmes Hiérarchiques Un 
        système hiérarchique est un Système Evolutif 
        dans lequel chaque catégorie est hiérarchique, c'est-à-dire 
        ses objets sont répartis en une suite de niveaux de complexité 
        0, 1,…, m, de sorte que chaque objet N du niveau n+1 soit 
        la colimite d'au moins un pattern d'objets liés Ni 
        du niveau n. Dans ce cas, puisque N est la colimite d'un pattern 
        P d'objets liés du niveau n et que chacun de ces Ni 
        est la colimite d'un pattern Pi, l'objet N est la colimite 
        2-itérée de (P,(Pi)), et (P,(Pi)) 
        est appelé une ramification de N de longueur 2. La ramification 
        représente une organisation interne de N impliquant deux niveaux, 
        qui détermine en 2 étapes les liens de N aux autres objets 
        de la catégorie.  Plus 
        généralement, nous définissons inductivement une 
        colimite k-itérée et une k-ramification d'un 
        objet A de niveau supérieur à k. En gros, A a une 
        sorte de structure fractale, dont les composants à chaque étape 
        intermédiaire sont eux-mêmes ramifiés, mais avec de 
        plus des corrélations entre ces ramifications représentées 
        par les liens distingués "horizontaux" entre les composants à 
        chaque niveau.  Si 
        le MP est satisfait, un objet multiface A a une multiplicité de 
        ramifications qui rendent cette structure très flexible. En effet, 
        si nous pensons qu'une décomposition de A attribue des valeurs 
        particulières ("variables") à certaines caractéristiques 
        de A, comme les fentes dans un "cadre" (au sens de Minsky [21]), une k-ramification 
        amplifie le choix puisque des choix successifs peuvent être faits 
        à chacune de ses k étapes. Le nombre de ramifications 
        non équivalentes de A arrivant à un niveau inférieur 
        k donne une mesure de la flexibilité de A, dans le sens 
        du nombre de ses organisations internes fonctionnelles jusqu'à 
        ce niveau ; il pourrait être appelé la k-entropie 
        de A. 2.5 
        Réductionnisme émergent Dans 
        un système hiérarchique, le niveau d'un objet N n'est pas 
        une bonne mesure de sa complexité "réelle" ; celle-ci est 
        mesurée par l'ordre de N, qui est le plus petit p 
        tel qu'il existe un pattern d'objets liés du niveau p admettant 
        N comme colimite. Et N est dit q-réductible pour tout q 
        inférieur ou égal à son ordre. Par 
        définition, tout objet du niveau n+1 est n-réductible. 
        Quand est-il p-réductible, pour un p inférieur 
        à n ? Pour répondre, nous devons classifier 
        avec plus de précisions les liens : Un lien entre deux objets N 
        et N' de niveau n+1 est n-simple s'il recolle une gerbe 
        entre deux patterns de niveau inférieur égal à n. 
        Il est n-complexe si c'est le composé de liens n-simples 
        recollant des gerbes non adjacentes, sans être lui-même n-simple. 
        De plus, il pourrait également exister des liens qui ne sont ni 
        n-simples ni n-complexes, et qui représentent des 
        contraintes indépendantes des niveaux inférieurs. Alors 
        le résultat suivant a été prouvé dans Ehresmann 
        et Vanbremeersch [12] : Théorème. 
        Un objet N de niveau n+1 est (n-1)-réductible 
        s'il admet pour décomposition un pattern d'objets Ni 
        de niveau n dans lequel les liens distingués sont des liens 
        (n-1)-simples recollant des gerbes adjacentes entre the Ni. 
        Autrement, N peut ne pas être (n-1)-réductible. 
        Ce résultat s'étend aux niveaux inférieurs.  Ce 
        théorème montre les limites du programme réductionniste 
        strict qui suppose que n'importe quel objet est réductible en une 
        seule étape, au niveau le plus bas, c'est-à-dire est d'ordre 
        0. Cependant dans la plupart des systèmes hiérarchiques 
        naturels, il y a une possibilité de réduction à des 
        niveaux plus bas, mais en plusieurs étapes et avec émergence 
        à chaque niveau de nouvelles propriétés reflétant 
        les propriétés holistiques du niveau précédent. 
        De tels systèmes sont k-basés, pour un certain k, 
        dans le sens que les liens de niveau n+1 sont n-simples 
        ou n-complexes, pour tout n > k, c'est-à-dire 
        qu'aucune contrainte externe n'est rajoutée dans la "montée" 
        à partir du niveau k. Dans un tel système non seulement 
        chaque objet est reconstruit par étapes à partir du niveau 
        k par une ramification (ce qui est vrai dans n'importe quel système 
        hiérarchique), mais les liens peuvent également être 
        reconstruits par étapes puisqu'ils recollent des gerbes du niveau 
        juste inférieur, ou sont des composés de tels liens. Cependant 
        cette reconstruction dépend non seulement des propriétés 
        "locales" des composants de niveau k de l'objet ou du lien (comme 
        l'exigerait un programme réductionniste), mais également 
        de la structure "globale" de chaque niveau successif. Ainsi il y a vraiment 
        émergence de nouvelles propriétés par rapport aux 
        composants de l'objet.  En 
        effet, nous avons vu ci-dessus que les propriétés d'un lien 
        k-complexe de N à N" dépendent non seulement de celles 
        des patterns que N et N" recollent, mais également de celles des 
        objets multiface intermédiaires intervenant dans sa construction 
        ainsi que de leurs balancements complexes ; elles émergent donc 
        de la structure globale du niveau k. Maintenant 
        soit A un objet du niveau k+2. Il peut être reconstruit à 
        partir du niveau k comme colimite 2-itérée d'une 
        ramification (R,(Pi)) ; mais, si certains des liens 
        de R sont complexes, il s'ensuit qu'ils imposent également à 
        A des propriétés émergeant de la structure globale 
        du niveau k, et ne reflétant pas seulement les propriétés 
        locales des composants de niveau inférieur de A.  Nous 
        pouvons parler d'un "réductionnisme émergentiste" (précisant 
        ainsi la notion proposée par Mario Bunge [3]). En particulier, 
        pour les systèmes 0-basés (i.e. si k = 0), le langage 
        non linéaire du système sera entièrement décodé 
        à partir des termes primitifs, à savoir les objets du niveau 
        0 avec leurs interactions, et de la "syntaxe" qui indique comment ils 
        se recollent ensemble pour construire progressivement les objets et les 
        liens des niveaux plus élevés en plusieurs étapes 
        avec, à chaque niveau, émergence de nouvelles propriétés 
        dépendant de la structure globale du niveau précédent. 
         De 
        tels systèmes hiérarchiques peuvent être construits 
        par le procédé suivant. 2.6 
        Processus de Complexification Cette 
        situation se produit dans les systèmes évolutifs naturels, 
        qui sont basés sur des sous-systèmes du système quantique. 
        Durant l'évolution ou le développement d'un système 
        naturel, le changement d'états est contrôlé par les 
        processus de "naissance, mort, scission, collision" (Thom [25]) ; pour 
        une cellule, endocytose, exocytose, décomposition et synthèse 
        de macromolécules. Ceci est modélisé par le processus 
        de complexification d'une catégorie relativement à une stratégie. Une 
        stratégie S sur une catégorie K est la donnée 
        de : éléments externes "à absorber" ; objets ou liens 
        de la catégorie "à supprimer" ou "à décomposer" 
        ; patterns sans colimite "à recoller", de sorte qu'une colimite 
        soit ajoutée ; cônes "à transformer en cônes 
        colimite", de sorte que le sommet du cône devienne une colimite 
        de sa base.  La 
        complexification de K par rapport à la stratégie 
        S est une catégorie dans laquelle les objectifs de S sont réalisés 
        de la manière la plus économique (solution d'un problème 
        universel). Si la catégorie modélise un système naturel, 
        économique signifie avec le moindre coût matériel, 
        temporel, informatique et énergétique.
 La 
        complexification a été explicitement décrite (Ehresmann 
        et Vanbremeersch [10]) : Ses objets sont : tous les objets de K non supprimés 
        par S, les éléments à absorber et, pour chaque pattern 
        P à recoller, un nouvel objet colim P devenant sa colimite, qui 
        émerge par intégration du pattern en une unité d'ordre 
        supérieure. Ses liens sont de deux types : liens simples recollant 
        des gerbes entre les patterns de K, et liens complexes qui sont des composés 
        des liens simples recollant des gerbes non adjacentes. Dans les termes 
        de Farre [14], nous pouvons penser à P comme le cycle causal interne, 
        alors que l'émergence de colim P le sépare de son contexte 
        en lui donnant un caractère objectal.  Nous 
        avons vu que l'émergence de nouvelles propriétés 
        exige l'existence d'objets multiface. Maintenant nous avons : Théorème. 
        Si K satisfait le principe de multiplicité, il en est 
        de même pour toute complexification de K. Le 
        processus de complexification peut être itéré, et, 
        si K satisfait le MP, ses complexifications successives mènent 
        à l'émergence d'une hiérarchie d'objets complexes 
        d'ordre croissant de complexité, avec des propriétés 
        émergeant à chaque niveau. Ainsi le MP explique comment 
        une émergence "réelle" peut se produire. Corollaire. 
        Le MP est satisfait dans le système quantique et dans les systèmes 
        naturels obtenus par complexifications successives de ses sous-systèmes. En 
        effet, nous avons vu dans la Section 2,3 que la physique quantique 
        implique que le MP est satisfait dans le système quantique. Du 
        théorème ci-dessus il découle que le MP est également 
        satisfait dans des complexifications successives de ses sous-sysèmes, 
        de sorte qu'elles mènent à une hiérarchie d'objets 
        de plus en plus complexes, modélisant l'évolution de tout 
        l'univers physique. La plupart des systèmes naturels, en particulier 
        les systèmes biologiques, neuraux ou sociaux, sont obtenus de cette 
        façon. Remarquons 
        que, dans le système quantique, un balancement complexe résulte 
        d'un processus quantique. Dans des complexifications successives, il y 
        aura encore des objets multiface admettant des balancements complexes. 
        Comme nous avons vu ci-dessus, ils émergent de la structure globale 
        des niveaux inférieurs, par conséquent sont ultimement basés 
        sur les propriétés des processus quantiques, tels que la 
        superposition et la non-localisation. Mais qu'ils puissent être 
        reconstruits à partir d'une telle base ne signifie pas que les 
        objets multiface "ont" des propriétés quantiques ; en fait 
        leurs macro-propriétés sont classiques. Ainsi nous différons 
        de l'interprétation d'Aerts et al. [1] qui parlent de "quantum-mechanical 
        properties" pour les interactions cognitives. En fait, leurs exemples 
        sont facilement traduits en disant que les objets qu'ils considèrent 
        (par exemple le concept "chat") sont multiface, d'où les propriétés 
        qu'ils décrivent.    3 SYSTEMES 
        COGNITIFS JUSQU'A LA CONSCIENCE Les 
        systèmes naturels autonomes, tels que les systèmes biologiques, 
        neuraux ou sociaux, sont obtenus par des complexifications successives 
        de sous-systèmes du système quantique, comme décrit 
        ci-dessus, de sorte qu'ils satisfont le principe de multiplicité. 
        Ces systèmes sont ouverts, auto-régulés, capables 
        d'enregistrer leurs expériences d'une manière flexible et 
        de s'adapter à leur environnement par la reconnaissance des situations 
        déjà rencontrées et le rappel des meilleures stratégies 
        pour y faire face. Ainsi ce sont des systèmes anticipatifs ("anticipatory 
        systems") au sens de Rosen [24], concept développé par beaucoup 
        d'auteurs, en particulier Dubois (cf. [7]). Cependant nous n'employons 
        pas cette terminologie mais préférons les considérer 
        inversement comme ayant une "mémoire". Dans [11], nous avons présenté 
        un modèle pour ces systèmes, appelé Systèmes 
        Evolutifs à Mémoire (SEM). 3.1 SEM Le 
        processus de complexification suppose d'abord qu'une stratégie 
        a été choisie sur la catégorie à complexifier. 
        Dans les systèmes autonomes, les stratégies seront choisies 
        d'une façon interne, en tenant compte de l'information venant de 
        l'environnement et de l'état interne. Pour ceci, nous supposons 
        qu'il existe un réseau d'organes internes de régulation, 
        appelés CoRégulateurs (CR). et ces CR participeront 
        au développement d'une mémoire centrale pour enregistrer 
        les différentes expériences.  Plus 
        précisément, un SEM est un système évolutif 
        hiérarchique dont l'architecture est un compromis entre un système 
        parallèle distribué multi-agents, et un réseau associatif 
        hiérarchique. Il a un sous-système hiérarchique, 
        appelé la mémoire et noté Mem qui se 
        développe au cours du temps pour enregistrer et stocker les différentes 
        situations rencontrées et les stratégies utilisées, 
        de sorte qu'elles puissent être rappelées plus tard. Sa dynamique 
        est modulée par la coopération et/ou la compétition 
        entre un réseau de sous-systèmes, les CoRégulateurs 
        (CR). Chaque 
        CR opère, à son propre niveau de complexité et avec 
        sa propre temporalité, un processus d'apprentissage par essais/erreurs, 
        en utilisant son accès différentiel à la mémoire 
        centrale au développement de laquelle il participe. À un 
        moment donné, un CR ne peut acquérir que des informations 
        partielles sur le système et sa situation, informations plus ou 
        moins limitées selon le niveau de complexité de ses objets 
        (appelés ses agents) ; par exemple, dans un système 
        neural, un CR inférieur peut ne percevoir qu'un certain attribut 
        (tel que la couleur ou la forme) tandis que des CR associatifs plus élevés 
        ont une plus grande base, pouvant contrôler plusieurs CR inférieurs. 
        Ces informations forment son paysage actuel*. Nous 
        pouvons penser à un CR comme étant un observable, dont le 
        paysage est l'espace d'observation contenant les mesures particulières 
        qu'il peut faire. Mais le CR ne "mesure" pas seulement ; il a également 
        un rôle "actif" dans le choix d'une stratégie pour répondre 
        à l'information qu'il a reçue. Ceci pourrait être 
        comparé à la notion d'une transaction dans l'interprétation 
        transactionnelle de la physique quantique (Cramer [5]) : le CR envoie 
        une "question" ("offer wave") à la mémoire qui active d'anciennes 
        expériences semblables et les stratégies utilisées 
        alors avec leurs résultats, celles-ci sont reflétées 
        dans le paysage ("confirmation wave"), éventuellement comparées, 
        et la "transaction" est réalisée par le choix d'une stratégie 
        et l'envoi des commandes correspondantes aux effecteurs. Si la commande 
        concerne un objet multiface, sa réalisation peut choisir n'importe 
        laquelle de ses décompositions (à comparer à la "réduction" 
        de la fonction d'onde, ou "collapse of a wave packet"). Quelle décomposition 
        est utilisée dépendra du contexte, par exemple des stratégies 
        simultanément choisies par les autres CR.  En 
        effet, chaque CR opère indépendamment sur son paysage, mais 
        tous les CR partagent les ressources communes du système. Ainsi 
        les stratégies des différents CR sont répercutées 
        au système entier où elles doivent être rendues cohérentes 
        et respecter les contraintes structurales et temporelles de chaque CR. 
        Ceci est réalisé par un processus d'équilibration, 
        appelé "le jeu entre les stratégies". Il peut avoir comme 
        conséquence des fractures pour certains CR, s'il y a des 
        incompatibilités qui ne peuvent pas être résolues. 
         Ce 
        jeu repose fortement sur l'existence de balancements complexes, qui permettent 
        de réaliser les diverses commandes d'une stratégie en choisissant 
        parmi leurs ramifications celles qui donnent l'ensemble le plus cohérent. 
        Il en résulte une dialectique entre CR hétérogènes 
        de par leur temporalité et leur complexité, basée 
        sur des boucles fonctionnelles, qui peut expliquer l'émergence 
        de phénomènes complexes adaptatifs. 3.2 
        SEM des neurones Maintenant 
        concentrons-nous sur un système cognitif, correspondant au développement 
        et au fonctionnement du système nerveux d'un animal supérieur. 
        Il est modelé par le SEM des neurones, obtenu par complexifications 
        successives de la catégorie des neurones définie 
        comme suit : ses objets sont les neurones, les liens sont des classes 
        de chemins synaptiques entre neurones, deux tels chemins étant 
        identifiés s'ils sont fonctionnellement équivalents, c'est-à-dire 
        s'ils ont la même force. Comme cette catégorie est elle-même 
        la complexification d'un sous-système du système quantique, 
        elle satisfait le MP ; par conséquent il en est de même pour 
        le MES des neurones obtenu par ses complexifications successives. Voyons 
        ce que ceci signifie dans ce cas. La 
        réponse d'un système neural à un stimulus simple 
        est l'activation d'un neurone spécialisé particulier ; par 
        exemple, dans les aires visuelles, il existe des cellules "simples" représentant 
        un segment d'une direction donnée, et des cellules "complexes" 
        représentant un angle particulier. Mais des stimuli plus complexes, 
        à quelques exceptions près (par exemple, un neurone activé 
        par une main tenant une banane pour un singe), n'ont pas leur propre "neurone 
        de grand-mère'. Le développement de l'imagerie neuronale 
        semble confirmer l'idée "associationniste" : des stimuli sensoriels 
        complexes, ou des programmes moteurs, sont représentés par 
        l'activation synchronisée de courte durée d'une assemblée 
        spécifique de neurones. Et l'apprentissage consisterait en la formation 
        de telles assemblées synchrones, par le renforcement des 
        synapses entre leurs neurones, selon la règle déjà 
        proposée par Hebb [15] : la force d'une synapse entre deux neurones 
        est renforcée si les deux neurones sont activés en même 
        temps, et diminuée si l'un est activé alors que l'autre 
        ne l'est pas. Dans 
        notre modèle, une assemblée de neurones est représentée 
        par un pattern P dans la catégorie des neurones Neur. La synchronisation 
        de cette assemblée sera modélisée par l'émergence 
        d'une colimite de ce pattern dans une complexification de Neur ; cette 
        colimite, qui fonctionne comme un "neurone d'ordre supérieur" unique 
        intégrant l'assemblée synchrone, est appelé un neurone 
        de catégorie (ou simplement un cat-neurone). La construction 
        de la complexification détermine ce quels sont les "bons" liens 
        entre les cat-neurones, par conséquent entre les assemblées 
        synchrones de neurones, donnant ainsi une réponse au "binding problem" 
        étudié en neuroscience (cf. von der Malsburg [19]). Le MP 
        étant satisfait, le même cat-neurone peut représenter 
        différentes assemblées synchrones, ce qui explique la flexibilité 
        de la mémoire. Et ceci permet de définir, par des itérations 
        du processus de complexification, des cat-neurones de plus en plus complexes, 
        représentant des assemblées d'assemblées de neurones... 
        correspondant au développement d'objets mentaux et de processus 
        cognitifs d'ordre supérieur. Ainsi 
        les résultats généraux exposés dans la Section 
        2 montrent dans quel sens précis les processus cognitifs 
        de n'importe quel niveau sont basés sur des processus quantiques. 
        Remarquons que plusieurs auteurs ont proposé que les processus 
        quantiques soient responsables des processus cognitifs, mais sans décrire 
        exactement de quelle manière. En fait leurs théories peuvent 
        être vues comme reposant sur l'existence de balancements complexes, 
        mais seulement au niveau sous-cellulaire : pour Pribram [23] via les teledendrons 
        et les dendrites ; pour Hameroff et Penrose [16] via les microtubules 
        ; pour Eccles [8] au niveau synaptique.  Le 
        MP au niveau des assemblées de neurones a été déjà 
        mis en évidence par Edelman [9] sous le nom de "principe de dégénérescence" 
        (par analogie avec la "dégénérescence" du code génétique 
        du fait que le même acide aminé peut être codé 
        par deux codons différents). 3.3 
        La Mémoire La 
        mémoire Mem se développe sous l'action collective 
        des différents CR et du jeu entre leurs stratégies. Elle 
        enregistre de manière flexible bien qu'assez stable les diverses 
        expériences du SEM. Elle a un rôle central, puisque ses objets, 
        appelés empreintes, peuvent être perçus par 
        les différents CR sous des aspects différents et avec différentes 
        décompositions; ainsi des CR inférieurs peuvent ne percevoir 
        qu'un certain attribut (par exemple, couleur, forme,…) de l'objet mémorisé. 
         Montrons 
        comment un stimulus externe QM sera mémorisé. 
        Dans son paysage, un CR inférieur, disons E, perçoit seulement 
        les aspects r' d'un sous-pattern R des récepteurs correspondant 
        à un attribut particulier (par exemple, couleur) ; R est mémorisé 
        par la formation d'une colimite M' qui représente la E-empreinte 
        de l'événement, éventuellement vue par son aspect 
        m' dans le paysage de E. De la même façon, un CR supérieur 
        qui voit les aspects rM d'un plus grand pattern de récepteurs 
        RM formera son empreinte M de QM, vue par son aspect 
        m dans le paysage du CR. Par suite du jeu entre les stratégies, 
        M est également la colimite des empreintes (telles que M') formées 
        par les CR inférieurs que le CR supérieur contrôle. Plus 
        tard si le même stimulus est rencontré à nouveau, 
        l'empreinte peut être rappelée au travers des paysages des 
        différents CR, et être activée par l'intermédiaire 
        de n'importe laquelle de ses ramifications. Les empreintes des stimuli 
        externes (transmis par les récepteurs sensoriels) et de leurs liens 
        forment un sous-système de Mem, appelé la mémoire 
        empirique, et notée Emp. Les stratégies utilisées 
        et leurs résultats sont également enregistrés, et 
        forment un sous-système de Mem appelé la mémoire 
        procédurale, dénotée par Strat ; elle 
        contient des empreintes des différents comportements de l'animal. 3.4 
        Sémantique Le 
        système neural d'un animal supérieur peut non seulement 
        mémoriser ses expériences de toute nature, mais aussi classifier 
        leurs empreintes en classes d'invariance. Pour modéliser ce processus 
        de classification dans le SEM des neurones, nous supposons que les complexifications 
        successives ajoutent également des limites, appelées CR-concepts, 
        classifiant les classes d'invariance des empreintes selon certains de 
        leurs attributs. Une telle classification exige une réflexion interne, 
        avec des CR inférieurs effectuant une classification "pragmatique', 
        et des CR supérieurs capables "d'interpréter" cette classification 
        et de lui donner une représentation. En 
        effet, soit E un CR inférieur correspondant à un certain 
        attribut (par exemple couleur) ; un stimulus externe QM (ou 
        son empreinte M) active un pattern P d'agents de E, appelé E-trace 
        de M. Deux items sont "agis" comme équivalents par E s'ils ont 
        la même E-trace ; par exemple, dans un couleur-CR, c'est le même 
        pattern de récepteurs qui est activé par tous les objets 
        bleus.   Mais 
        cette classification prend sa signification seulement au niveau d'un CR 
        de niveau plus élevé avec une plus longue période, 
        capable de percevoir que différentes empreintes ont la même 
        E-trace (la même couleur), et d'enregistrer ce résultat dans 
        la mémoire sous la forme d'un objet (la couleur "bleu') représentant 
        la classe entière de ces empreintes. Cet objet, appelé le 
        E-concept de M, est construit comme étant la limite* 
        (projective) S de P, vue par son aspect s dans le paysage du CR. 
        Il y a un lien gM de M vers S, modélisant le fait que 
        M est une instance du concept S.
 L'activation 
        du concept S peut activer l'une quelconque de ses instances, avec un va-et-vient 
        possible entre deux instances M et N. De plus la seule activation de M 
        peut activer son concept S qui peut alors activer une autre instance N 
        de S, de ce fait débutant un va-et-vient entre M et N. Les CR-concepts 
        relatifs aux divers CR sont à la racine de la formation, par complexifications 
        successives, de concepts généraux, construits en 
        tant que limites itérées de patterns de CR-concepts. Tout 
        d'abord sont formés des concepts classifiant simultanément 
        plusieurs attributs (e.g. triangle bleu), et puis des concepts plus abstraits 
        obtenus comme limites de patterns de tels concepts "concrets" liés 
        par des liens complexes. Un 
        concept peut être considéré comme un prototype abstrait 
        pour une classe d'objets ayant une "ressemblance de famille" (au sens 
        de Wittgenstein) ; il ne nécessite pas l'existence d'un langage. 
          La 
        réactivation ultérieure d'un concept se fonde sur une double 
        indétermination : va-et-vient entre différentes instances 
        du concept, puis balancement complexe entre différentes ramifications 
        de ces instances. Remarquons que ces deux opérations de "balance" 
        sont à caractère quelque peu dual : Le balancement complexe 
        entre deux patterns correspond à une alternative entre deux décompositions 
        non-équivalentes d'un même objet d'ordre supérieur 
        ; le choix de l'un d'eux peut être vu comme étant un analogue 
        classique de la réduction ("collapse") de la fonction d'onde d'une 
        superposition quantique. Le va-et-vient entre deux instances d'un concept 
        correspond à une alternative entre deux présentations différentes 
        des attributs qu'ils ont en commun ; il peut se voir comme étant 
        un analogue classique d'un processus de non-localisation, les attributs 
        étant présentés de manière différente 
        dans les deux instances. (Ce sont ces extensions des propriétés 
        quantiques que Aerts et al. [1] mettent en lumière.) Dans 
        le premier cas, les deux alternatives fusionnent au niveau supérieur 
        ; dans le second, elles apparaissent par dissociation d'une base commune.
 Les 
        concepts et leurs liens forment un sous-système de Mem, 
        appelé la mémoire sémantique et dénoté 
        par Sem.  Le 
        développement d'une mémoire sémantique ajoute de 
        la flexibilité au jeu entre les stratégies des CR. En effet, 
        il se formera des concepts représentant des classes d'invariance 
        de stratégies dans la mémoire procédurale Strat, 
        et le choix d'une stratégie par un CR supérieur sera fait 
        sous la forme d'un tel concept, au lieu d'une stratégie spécifique 
        de sa classe d'invariance. Ceci ajoute un nouveau degré de liberté 
        dans la formation de la stratégie globale effectivement réalisée 
        par le système à un moment donné, puisque le jeu 
        entre les stratégies peut choisir parmi les stratégies de 
        la classe d'invariance choisie par un CR celle qui est la mieux adaptée, 
        compte tenu des stratégies transmises par les autres CR. Par exemple, 
        la commande de saisir un objet sera modulée selon l'objet à 
        saisir. 3.5 
        Le Noyau Archétypal Nous 
        avons vu que la mémoire Mem contient 3 sous-systèmes 
        avec des liens entre eux : la mémoire empirique Emp, la 
        mémoire procédurale Strat, et la mémoire sémantique 
        Sem où les empreintes sont classifiées en concepts. 
        Maintenant nous allons établir une distinction parmi les empreintes 
        selon la différence de leur force, mettant ainsi en évidence 
        2 autres sous-systèmes de Mem : le noyau archétypal 
        AC et la mémoire expérientielle Exp.  Les 
        empreintes des patterns qui sont activés plus souvent et pendant 
        une plus longue période, à partir de la naissance (par exemple, 
        aspects stables de l'environnement contrairement à ceux plus variables, 
        émotions profondes,…) et leurs liens forment un sous-système 
        particulier de la mémoire, appelé le noyau archétypal, 
        dénoté par AC ("archetypal core"). Il se développe 
        pour intégrer les principales expériences sensorielles, 
        proprioceptives, motrices, états internes …, avec leur coloration 
        émotive, et les relier en patterns aux liens forts, rapidement 
        activés et graduellement renforcés. Il représente 
        une mémoire "affective" personnelle de l'animal, de son corps, 
        de ses expériences, des connaissances acquises qu'elles soient 
        pragmatiques, sociales ou conceptuelles, ainsi que des stratégies 
        de base qui leur sont associées. Les 
        liens archétypaux peuvent être activés de façon 
        autonome, de sorte que tout un sous-système de AC soit activé 
        dès qu'une petite partie en est stimulée. Et quelles que 
        soient les variations des stimuli cette auto-activation au travers des 
        liens du noyau archétypal peut être maintenue assez longtemps. 
        Elle est engendrée par des suites de boucles basées sur 
        des va-et-vient entre diverses instances de ses concepts et des balancements 
        complexes entre leurs ramifications (dans le système neural, elle 
        repose sur les boucles thalamo-corticales). Par exemple une empreinte 
        dans AC (disons le ciel bleu) est également archétypalement 
        liée à d'autres empreintes, non seulement de perceptions 
        ou de processus moteurs mais également d'états et d'émotions 
        internes (soleil, chaleur, bien-être, nager,…).  Certaines 
        empreintes représentent des expériences qui sont assez significatives 
        pour être reliées par des liens forts au noyau archétypal, 
        mais sans lui appartenir ; celles-ci avec leurs liens forment un sous-système 
        de Mem, appelé la mémoire expérientielle, 
        dénotée par Exp (à comparer à la "value-category 
        memory" de Edelman [9]). Ses objets peuvent représenter des stimuli 
        externes aussi bien que des états internes, des comportements ou 
        des stratégies, ou une association de tels.   Chaque 
        empreinte N dans Exp est liée à un objet "le plus 
        proche" de AC dans le sens que l'activation de N réactive 
        l'expérience archétypale la plus étroitement liée 
        à N, qui diffuse alors l'activation à d'autres expériences 
        liées à celle-ci dans AC, et l'activation s'étend 
        ainsi en boucles qui s'auto-entretiennent longtemps et peut se propager 
        à des aires proches. Formellement, AC est un sous-système 
        réflexif* de Exp au sens suivant : pour chaque N dans 
        Exp, il existe un lien de N vers un objet de AC. par lequel 
        tout autre lien de N à un objet de AC se factorise de manière 
        unique.
 Par 
        des complexifications successives dirigées par le réseau 
        des CR, la mémoire se développe et s'étend par formation 
        de nouvelles colimites M qui deviennent des empreintes empiriques ou procédurales. 
        Une telle empreinte est liée par une gerbe à un pattern 
        d'expériences proches Ni dans la mémoire 
        expérientielle. Formellement, Exp est un sous-système 
        final* de Mem. Puisque, comme dit ci-dessus, le noyau archétypal 
        est un sous-système réflexif de Exp, chaque Ni 
        activé par M rappelle également l'empreinte archétypale 
        qui lui est la plus proche N', à partir de laquelle l'activation 
        s'étend à d'autres empreintes Q le long des différents 
        liens du noyau archétypal. L'organisation 
        de la mémoire est encore précisée par l'identification 
        par un CR d'une identité sémantique entre empreintes, ce 
        qui permet de les classifier en concepts. Si les liens d'une empreinte 
        à Exp deviennent assez forts, elle sera intégrée 
        dans Exp, et probablement aussi plus tard dans le noyau archétypal. 
        Tandis que seulement une partie de la mémoire empirique deviendra 
        expérientielle, l'intégralité de Strat et 
        de Sem se développeront en sous-systèmes de Exp. 
        et, au moins au début, la majorité de Exp est progressivement 
        intégrée dans le noyau archétypal, en priorité 
        les empreintes d'états internes.  Par 
        exemple, le noyau archétypal d'un enfant en bas âge contient 
        déjà un réflexe pour saisir. Il se développera 
        progressivement en une stratégie sensori-motrice bien dirigée 
        pour prendre un objet : un CR visuel apprendra à identifier certains 
        objets (dans Emp), un CR "émotif" rappellera le plaisir 
        (dans AC) de tenir ces objets, un CR moteur rappellera les mouvements 
        pour saisir ces objets (stratégie dans Strat). Quand le 
        bébé identifie un tel objet, les liens entre ces différentes 
        empreintes sont activés, avec des va-et-vient entre les différentes 
        instances des concepts qui leur sont associés, de sorte que ces 
        CR coopèrent par le jeu entre leurs stratégies pour s'efforcer 
        de saisir l'objet. Le bébé apprendra à ajuster ses 
        mouvements selon la taille et la forme de l'objet, et ceci sera mémorisé 
        par la formation d'une colimite représentant l'acte particulier, 
        puis la formation d'un concept archétypal du comportement sensori-moteur 
        général de "saisie d'un objet'.   3.6 
        Paysage étendu. Conscience Nous 
        appuyant sur les résultats ci-dessus et sur ceux de Ehresmann et 
        Vanbremeersch [13], nous proposons de caractériser la conscience 
        comme un processus en 3 parties reposant sur le développement du 
        noyau archétypal qui, toujours en arrière plan, agit en 
        tant que référent et filtre : (i) formation d'un paysage 
        étendu "holiste" sur lequel peut être opérée 
        (ii) une rétrospection vers le passé pour trouver les causes 
        d'un événement, et (iii) une prospection vers le futur pour 
        trouver les stratégies les mieux adaptées. Le degré 
        de conscience dépendra du développement du noyau archétypal 
        : plus il est développé et plus étendu sera le paysage 
        construit, ce qui conduit à une recherche plus profonde dans le 
        passé et à un choix de stratégies à plus long 
        terme. Ces processus sont définis comme suit : Supposons 
        que, dans le bruit de fond empirique, apparaisse un nouvel événement 
        significatif qui n'a aucune réponse automatique (par exemple, une 
        fracture dans le paysage d'un CR supérieur). Il détermine 
        immédiatement une augmentation de l'attention (activation de la 
        formation réticulaire), ce qui déclenche une recherche sémiotique 
        dans la mémoire via les CR de tous les niveaux (couleur, forme, 
        …) jusqu'à la sémantique pour essayer d'identifier l'évènement, 
        utilisant des processus de va-et-vient entre instances d'un concept et 
        de balancements complexes entre leurs ramifications. En effet, parmi les 
        empreintes ainsi activées certaines forment des patterns admettant 
        la même projection sémantique que des empreintes archétypales 
        ou des expériences non-archétypales dans Exp. Il 
        s'ensuit que les paysages de CR supérieurs perçoivent, pour 
        l'un C1 des aspects venant du noyau archétypal, pour un autre C2 
        des aspects venant de la mémoire empirique et de la mémoire 
        expérientielle. Comme les deux CR sont reliés par les perspectives 
        des liens entre Emp, Exp et AC, ces CR forment ensemble 
        une perception alternative, ambivalente de l'expérience et du stimulus 
        empirique. Un CR encore supérieur reçoit une alternative, 
        à différents intervalles, des aspects de ces empreintes 
        empiriques, expérientielles et archétypales et de leurs 
        diverses ramifications. Chaque CR agit selon sa propre temporalité 
        ; les alternatives d'origine archétypale par définition 
        sont plus rémanentes, étant réactivées sur 
        une plus grande durée que celles de la mémoire empirique. 
         (i) 
        De cette façon, des CR supérieurs relient les paysages des 
        différents CR qu'ils contrôlent, en tenant compte des expériences 
        spécifiques du sujet telles qu'elles sont reflétées 
        par le noyau archétypal. Ainsi est formé un paysage étendu 
        "holiste', dont les objets sont les perspectives temporelles de l'événement 
        et de ses réflexions internes, en particulier dans le noay archétypal 
        (à comparer au "Global Workspace model" ou au "théâtre" 
        de Baars [2]). Physiologiquement sa construction se fonde sur l'existence 
        des boucles fonctionnelles entre les diverses parties du cerveau, qui 
        forment ce que Edelman ([9], p. 100) appelle la "boucle de conscience". (ii) 
        Un processus de rétrospection, basé sur une suite 
        de va-et-vient entre instances et de balancements complexes entre leurs 
        ramifications, sera opéré sur ce paysage étendu ; 
        il permet d"accèder aux niveaux inférieurs du passé 
        proche pour trouver, par abduction, les causes possibles de l'événement 
        actuel.  (iii) 
        Enfin un processus de prospection (orienté vers le futur) 
        choisira des stratégies à long terme pour plusieurs étapes, 
        de sorte à répondre de la manière la plus adaptative. 
        Ceci est accompli par la formation, à l'intérieur du paysage 
        étendu, de paysages virtuels, avec l'aide du noyau archétypal 
        et de la mémoire entière, dans lesquels les stratégies 
        successives (choisies sous forme de concepts) peuvent être "essayées" 
        sans coût matériel pour le système. Dans 
        ce modèle, l'évolution du noyau archétypal et de 
        la conscience se fonde sur l'existence de va-et-vient entre instances 
        et de balancements complexes entre leurs ramifications, ce qui résulte 
        du MP. Elle prend en compte l'expérience entière, qu'elle 
        soit perceptive, comportementale ou émotive (le rôle des 
        émotions a bien été souligné par Damasio [6]), 
        avec une intégration des dimensions temporelles. La permanence 
        du noyau archétypal, ou du moins sa modification très progressive, 
        serait la base de la notion du "soi". Et pour le "hard problem", les qualia 
        pourraient correspondre aux perspectives des objets du noyau archétypal 
        dans le paysage "conscient" étendu.  L'évolution 
        d'une telle conscience donne un avantage sélectif, puisqu'elle 
        permet de rechercher les causes d'un événement au lieu de 
        ne réagir qu'à ses effets. Et en programmant sur le long 
        terme, des stratégies plus efficaces peuvent être conçues, 
        moins assujetties aux conditions immédiates.  Ceci 
        ne nécessite pas un langage (des animaux supérieurs peuvent 
        avoir une telle conscience). Mais le langage rend les processus plus efficaces, 
        parce que l'information complexe (cat-neurones d'ordre supérieur) 
        peut être stockée sous la forme plus compacte de mots, et 
        plus d'opérations peuvent être effectuées à 
        l'aide de ces mots. La conséquence en est le développement 
        d'une "algèbre des objets mentaux" (au sens de Changeux [4]) plus 
        riche et de processus cognitifs d'ordre supérieur, dépendant 
        fortement des interactions sociales, de la communication et de l'éducation. 
           4 
        DEFINITIONS MATHEMATIQUES 
        
         Une catégorie 
          est un (multi)graphe orienté sur lequel est donnée 
          une loi de composition qui associe à 2 flèches successives 
          f: N ® N' et f': N' ® N" une flèche ff': 
          N ® N". Cette composition doit satisfaire 2 axiomes :  (i) 
        Associativité : À chaque chemin de longueur n est 
        associé un composé unique, indépendant de sa 2-2 
        décomposition;  (ii) 
        Identité : à chaque sommet est associée une flèche 
        fermée dont le composé avec n'importe quelle autre flèche 
        redonne cette flèche.  Les 
        sommets du graphe sont appelés les objets de la catégorie, 
        et ses flèches les morphismes (ou les liens).  Un 
        foncteur partiel d'une catégorie K vers une catégorie 
        K' est une application F d'une sous-catégorie C de K dans K' qui 
        associe à chaque objet N de C un objet F(N) de K et à chaque 
        lien f de N vers N' dans C un lien F(f) de F(N) vers F(N') 
        dans K', de sorte que le composé ff' soit appliqué 
        sur le composé des images de f et de f'. 
        
         Un pattern 
          (ou diagramme) P dans une catégorie est formé par une 
          famille d'objets Ni de la catégorie et de liens 
          distingués entre eux. Un 
        lien collectif de P vers un objet N' est une famille de liens fi: 
        Ni ® N' corrélés par les liens distingués 
        du pattern dans le sens que, si g est un lien dans P de Ni 
        vers Nj, alors gfj = fi 
        . P 
        a une colimite (ou limite inductive) s'il existe un objet N tel 
        que :  (i) 
        ("propriété universelle") il existe un lien collectif (ci) 
        de P vers N ; et  (ii) 
        chaque lien collectif (fi) de P vers n'importe quel 
        objet N' se recolle en un lien unique f de N vers N' tel que fi 
        = cif pour chaque i.  Si 
        un pattern a une colimite, elle est unique (à un isomorphisme près). 
         La 
        somme (ou coproduit) S de la famille des objets (Ni) 
        est la colimite du pattern constitué par ces objets sans aucun 
        lien distingué. Si cette somme S existe ainsi que la colimite N 
        de P, il y a un morphisme canonique de "comparaison" de S vers N. La 
        limite (projective) d'un pattern P dans la catégorie K est 
        la colimite du pattern opposé dans la catégorie opposée 
        à K (obtenue en changeant la direction de ses morphismes). 
        
         Si P et 
          P' sont des patterns, une gerbe de P vers P' est une famille 
          maximale de liens des objets de P vers les objets de P' telle que : (i) 
        Chaque objet de P est lié au moins à un objet de P', et 
        s'il est lié à plusieurs ses liens sont corrélés 
        par un zigzag de liens distingués de P'.  (ii) 
        le composé d'un lien de la gerbe avec un lien distingué 
        de P ou de P' est également dans la gerbe.  Si 
        P et P' admettent des colimites N et N' respectivement dans la catégorie, 
        une gerbe de P vers P' se recolle en un lien unique de N vers N' appelé 
        un lien (P,P')-simple. Le composé de deux liens simples 
        recollant des gerbes adjacentes est toujours un lien simple : si f 
        est (P,P')-simple et si f' est (P',P")-simple, alors leur composé 
        ff' est un lien (P,P")-simple.  Mais 
        le lien (P,P')-simple f pourrait ne pas être (Q,Q')-simple 
        pour d'autres décompositions Q de N et Q' de N'. Deux décompositions 
        P et Q d'un objet N sont dites équivalentes s'il existe 
        une gerbe de P vers Q qui se recolle en l'identité de N, de sorte 
        que cette identité soit un lien (P,Q)-simple. Sinon, nous disons 
        que P et Q sont des décompositions non équivalentes de N. Un 
        lien complexe est un composé des liens simples liant des 
        gerbes non adjacentes, avec balancements complexes entre les différentes 
        décompositions des objets multiface intermédiaires. 
        
         Un 
          Système Evolutif K est la donnée de : une échelle 
          de temps T, qui est une partie discrète ou non, finie ou non, 
          de l'ensemble des réels positifs ; une catégorie Kt 
          pour chaque instant t de l'échelle de temps ; un foncteur 
          partiel, appelé transition de Kt à 
          Kt' pour chaque t < t'. Un 
        sous-système L de K est un système 
        évolutif dont l'échelle de temps est un sous-ensemble S 
        de T et dont la catégorie Ls est une sous-catégorie 
        de Ks pour chaque s dans S.  L 
        est un sous-système final de K si S = T et si pour 
        chaque objet N de Kt il existe une gerbe du pattern 
        réduit à N vers le pattern représenté par 
        Lt. L 
        est un sous-système réflexif de K si S 
        = T et si, pour chaque objet N de Kt il existe un objet 
        N' de Lt et un morphisme h de N vers N' tels 
        que tout morphisme de N vers un objet de Lt se factorise 
        de manière unique par h. 
        
         Dans un 
          système hiérarchique, le MP peut être renforcé 
          comme suit :  (i) 
        Il existe des objets du niveau n+1 qui sont n-multiface, 
        dans le sens qu'ils admettent au moins deux décompositions non 
        équivalentes en patterns du niveau n.  (ii) 
        Un objet du niveau n peut appartenir à plusieurs patterns 
        admettant des colimites différentes au niveau n+1.  
        
         Le paysage 
          actuel d'un CR au temps t est construit comme suit. Un objet 
          B du système a un aspect b pour le CR si b 
          est un lien de B vers un objet (ou agent) du CR ; deux aspects sont 
          dans la même perspective s'ils sont corrélés 
          par un zigzag de liens entre les agents du CR (de sorte qu'ils transmettent 
          la "même" information au CR). Le paysage L est la catégorie 
          dont les objets sont les perspectives venant des objets d'un niveau 
          adjacent au niveau du CR et qui perdurent pendant l'étape actuelle 
          du CR (sa longueur est déterminée par l'échelle 
          de temps du CR). Les morphismes viennent des morphismes dans le système, 
          de sorte qu'il y a un foncteur "distorsion" de L vers le système 
          (il mesure extérieurement de combien est déformée 
          l'information partielle perçue par le CR). Une 
        étape pour le CR consiste en : formation de son paysage actuel 
        L, choix d'une stratégie sur ce paysage (en utilisant la mémoire), 
        transmission des commandes correspondantes aux effecteurs. Le paysage 
        anticipé à l'étape suivante devrait être la 
        complexification L' de L relativement à cette stratégie. 
        Le CR peut alors évaluer si les objectifs ont été 
        atteints par un foncteur "comparaison" de L' vers le paysage effectifement 
        obtenu à cette étape suivante.   5 
        CONCLUSION Dans 
        cet article, nous avons proposé un modèle mathématique, 
        basé sur la théorie des catégories, pour les processus 
        d'émergence qui mènent progressivement à l'évolution 
        de l'univers à partir du niveau quantique jusqu'au niveau des organisations 
        complexes et même des êtres conscients. Cette évolution 
        est décrite comme une succession de processus de complexification, 
        dans lesquels des patterns d'objets interagissant sont agrégés 
        pour former de nouveaux objets d'ordre plus élevé prenant 
        leur propre identité complexe (représentés dans le 
        modèle catégorique par la colimite du pattern). Ce que nous 
        essayons d'expliquer est dans quel sens un tel nouvel objet N a des propriétés 
        globales émergentes comparées aux propriétés 
        du pattern P qu'il recolle, c'est-à-dire comparées aux propriétés 
        locales des objets de sa décomposition P.  Au 
        niveau atomique, un atome recolle le pattern constitué par sa configuration 
        électronique en orbitales atomiques. Mais la physique quantique 
        affirme que l'atome a plusieurs telles configurations correspondant à 
        différents niveaux d'énergie ; nous disons que c'est un 
        objet "multiface". Nous affirmons que cette propriété est 
        la clef du problème de l'émergence.  En 
        effet, plus généralement N' est un objet multiface 
        s'il admet des décompositions en 2 patterns, disons P' et R', non 
        équivalents, de sorte qu'il puisse "balancer" entre ces deux décompositions 
        ; ce fait ne peut pas être identifié juste en considérant 
        P' et R', mais dépend de la structure entière du niveau 
        inférieur auquel ils appartiennent (le niveau quantique si N' est 
        un atome). L'existence d'objets multiface entraîne l'existence de 
        deux sortes de liens : un lien (P,P')-simple f de N vers N' ne 
        fait que recoller une gerbe de liens entre les objets des décompositions 
        P de N et P' de N', et donc n'ajoute pas de propriétés "nouvelles" 
        relativement au niveau inférieur. Mais il existe également 
        des liens complexes qui sont des composés de liens simples liant 
        des gerbes non adjacentes, par exemple, un lien de N à N" qui est 
        le composé de f avec un lien (R',P")-simple f' de 
        N' à N", où N' est multiface ; ce lien représente 
        de nouvelles propriétés émergeant au niveau de N 
        et de N", puisqu'il dépend non seulement "localement" des constituants 
        de N et de N" du niveau plus bas (réductionnisme) mais aussi "globalement" 
        de la structure entière de ce niveau plus bas de par l'existence 
        d'un balancement complexe entre P' et R'. Par 
        un raisonnement catégorique, nous prouvons que, si un système 
        a des objets multiface (nous disons qu'il satisfait le principe de multiplicité 
        MP), il en est de même pour toutes ses complexifications successives, 
        et celles-ci mènent à la formation d'objets ayant des ordres 
        croissants de complexité, reliés par des liens complexes 
        qui représentent, à chaque niveau, de nouvelles propriétés 
        émergentes (dans le sens ci-dessus). Comme le système quantique 
        satisfait le MP, il s'ensuit qu'il en est de même pour tous les 
        systèmes naturels qui ont évolué à partir 
        de lui ou de ses sous-systèmes par complexifications successives. Dans 
        la section 3, nous avons appliqué ce résultat à 
        certains systèmes autonomes anticipatifs, tels que les systèmes 
        biologiques et plus particulièrement les systèmes cognitifs, 
        modélisés dans le cadre catégorique par les Système 
        Evolutifs à Mémoire (SEM). Les complexifications successives 
        de la catégorie des neurones mènent à l'émergence 
        de processus cognitifs de plus en plus complexes. Rappelant certains de 
        nos articles précédents, nous décrivons le développement 
        d'une mémoire générale, et d'une classification de 
        ses objets (ou empreintes) dans une mémoire sémantique. 
        Et nous cherchons à étudier comment la conscience peut surgir. La 
        nouvelle idée ici est que l'émergence de la conscience repose 
        sur la formation, à partir de la naissance, d'un sous-système 
        de la mémoire, le noyau archétypal, constitué d'objets 
        multiface, qui intègre les principales expériences sensorielles, 
        proprioceptives, motrices, internes …, avec leurs composantes émotives, 
        et les relie en patterns aux liens forts, rapidement activés et 
        graduellement renforcés. Un nouvel événement déclenche 
        une recherche sémiotique dans le noyau archétypal et dans 
        les empreintes qui lui sont liées, avec va-et-vient entre leurs 
        instances et balancements complexes entre les différentes décompositions 
        de celles-ci. Il mène à la formation d'un paysage étendu 
        holiste, dans lequel sont effectués : un processus de rétrospection 
        vers le passé proche pour trouver les causes de l'événement, 
        et un processus de prospection vers l'avenir pour choisir des stratégies 
        à long terme.  Ainsi 
        la conscience apparaît comme un processus qui tient compte de l'expérience 
        entière du sujet, avec ses aspects multiples, qui intègre 
        les dimensions temporelles, et donne des avantages évolutifs en 
        permettant des réponses mieux adaptées. Elle se fonde sur 
        le niveau quantique, non pas directement comme plusieurs auteurs l'ont 
        suggéré, mais par une longue suite d'étapes, conduisant 
        à l'émergence progressive d'objets de plus en plus complexes 
        pendant l'évolution, émergence qui, comme dit ci-dessus, 
        repose sur le fait que le MP est satisfait dans le système quantique, 
        ce qui entraîne sa satisfaction dans les complexifications qui s'en 
        déduisent.     
 Remerciements. 
         Nous remercions 
        Jerry Chandler, George Farre et Brian Josephson pour des éhanges stimulants 
        sur des problèmes proches de ceux abordés ici.  
      
 REFERENCES 1. 
        Aerts, D., D'Hondt, E., Gabora, L., "Why the Disjunction in Quantum Logic 
        is Not Classical", Foundations of Physics 30, Issue 10 (2000). 2. 
        Baars, B. J., In the theatre of consciousness : The workspace of the 
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