1
INTRODUCTION
Le
modèle du Big-Bang suppose que l'univers a été formé
à partir de particules agissant entre elles, qui se sont associées
pour former des noyaux, puis des atomes, puis des molécules, puis
des objets de plus en plus étendus et complexes, donnant naissance
à l'arbre entier des êtres vivants, des bactéries
aux animaux munis de conscience. Un réductionnisme strict ne peut
pas expliquer comment cette évolution a été possible,
comment de nouvelles propriétés ont pu émerger et
surmonter les sauts d'énergie entre les niveaux.
Notre
but est de proposer un modèle mathématique, basé
sur la théorie des catégories (cf. Mac Lane [18]), qui justifie
un "réductionnisme émergentiste" au sens de Mario Bunge
[3]. Cet article présente des résultats que nous avons développés
dans une série de publications depuis 15 ans, dont un sommaire
peut être trouvé dans notre site Internet. Il repose sur
le principe de multiplicité (généralisant le "principe
de dégénérescence" de Edelman [9]) qui affirme l'existence
d'objets complexes, appelés objets multiface, qui peuvent "balancer"
entre plusieurs configurations en éléments plus simples.
Si une catégorie K satisfait ce principe, nous montrons que n'importe
quelle complexification de K le satisfait également, et nous expliquons
comment ceci entraîne l'émergence d'objets multiface de plus
en plus complexes dont les propriétés ne sont pas réductibles
à celles de leurs constituants de niveau inférieur, mais
dépendent d'une façon précise de la structure globale
de ce niveau inférieur (d'où un genre de délocalisation
contrôlée).
Ce
modèle peut être appliqué aux systèmes naturels
parce que les lois de la physique quantique assurent que le principe de
multiplicité est satisfait dans la catégorie des particules
et des atomes, de sorte qu'il sera également satisfait dans les
systèmes obtenus par évolution de cette catégorie.
Il donne un sens précis au fait que les propriétés
quantiques sont à l'origine de l'émergence de processus
d'ordre supérieur jusqu'à la conscience, comme divers auteurs
l'ont proposé (par exemple, Hameroff et Penrose [16], Pribram [23],…).
La
section 2 est consacrée au modèle mathématique
général ; les outils catégoriques sont seulement
brièvement définis et nous renvoyons à la section
4 pour des définitions précises des mots suivis d'un
astérisque. Il est ensuite appliqué à l'évolution
des systèmes naturels tels que les systèmes biologiques
et neuraux, modélisés par les Systèmes Evolutifs
à Mémoire (SEM), qui sont des systèmes autonomes
anticipatifs (au sens de Rosen [24], cf. également [7]).
Dans
la section 3, les systèmes cognitifs, modélisés
par le SEM des neurones, sont étudiés plus en détail,
soulignant le signification du principe de multiplicité dans ce
cas. En particulier, nous décrivons comment les animaux supérieurs
deviennent capables d'enregistrer leurs expériences et de les classifier
pour développer une sémantique. L'existence d'une telle
sémantique permet le développement, à partir de la
naissance, d'un sous-ensemble du SEM, le noyau archétypal, dont
les objets multiface intègrent toutes les expériences sensorielles,
émotives, motrices et les stratégies qui leur sont associées
; ses liens sont forts, rapidement activés, graduellement renforcés
et sont ainsi à la base de la notion d'individu.
Nous
caractérisons la conscience comme le processus qui, se fondant
sur ce noyau archétypal, intègre les dimensions temporelles
: (i) Un nouvel événement déclenchera une recherche
sémiotique dans le noay archétypal qui, par balancements
entre configurations d'objets multiface, mène à la formation
d'un paysage étendu "holiste", dont les objets sont les perspectives
temporelles de l'événement et de ses réflexions internes
; (ii) ce paysage étendu permet d'exécuter un processus
de rétrospection jusque dans les niveaux inférieurs du passé
proche pour trouver, par abduction, les causes de l'événement
actuel, et (iii) un procédé de prospection (orienté
vers le futur) pour choisir des stratégies à long terme
permettant de répondre de la manière la plus adaptative.
2
UN MODÈLE GÉNÉRAL DE L'ÉMERGENCE
2.1
Systèmes Evolutifs
L'état
d'un système, tel qu'un système biologique, social ou neural,
à l'instant t est modélisé par une catégorie*
: ses objets représentent les composants (de tous niveaux) du système,
et ses morphismes (appelés liens) leurs interactions dans
le système aux environs de ce temps. Ces liens peuvent représenter
des relations structurales plus ou moins stables telles que des relations
causales ou topologiques (par exemple, desmosomes entre cellules adjacentes),
des canaux transmettant une information, des contraintes spatiales ou
énergétiques, ou des interactions provisoires entre deux
composants. La loi de composition associe à 2 liens successifs
leur interaction cumulative ; elle est associative et ainsi elle permet
de distinguer parmi les chemins de liens successifs ceux qui correspondent
à des interactions cumulatives équivalentes.
Les
changements entre états successifs du système sont représentés
par des foncteurs* partiels entre les catégories correspondantes,
de sorte que le système est représenté par un Système
Evolutif* K, à savoir une suite de catégories
Kt représentant les états du système
aux dates successives t d'une échelle de temps (finie ou
infinie) T, et des foncteurs partiels entre elles, appelés transitions
(Ehresmann et Vanbremeersch [10]).
Un
sous-système* de K est un système évolutif
tel que son échelle de temps S est incluse dans T, qu'à
chaque date s de S sa catégorie est une sous-catégorie
de Ks et ses transitions sont des restrictions de celles
de K
2.2
Objets Complexes
Dans
les systèmes naturels, les objets sont répartis en différents
niveaux de complexité, chaque niveau satisfaisant ses propres règles.
Il y a des liens internes à un niveau, mais également des
liens interniveaux. Un objet du niveau n+1 est un agrégat
d'objets du niveau n, liés par des interactions fortes entre
eux qui déterminent leur cohésion dans l'agrégat.
Par exemple dans un atome, le noyau et les électrons sont unis
par les forces d'attraction entre les électrons et les protons,
et les forces de répulsion entre les électrons et l'intérieur
du noyau ; ainsi l'atome a une organisation interne dépendant de
sa configuration électronique.
Comment
pouvons-nous modéliser une telle organisation hiérarchique
dans une catégorie ? L'idée est d'utiliser l'opération
bien connue de colimite (Kan [17]), de sorte qu'un agrégat N soit
modélisé par la colimite d'un pattern d'objets liés
représentant son organisation interne.
Un
pattern* P est défini comme une famille d'objets Ni
de la catégorie et de liens distingués entre eux. Un lien
collectif* de P vers un objet N' est une famille de liens (fi:
Ni ® N') corrélés par les liens distingués
du pattern. Les liens collectifs représentent des interactions
cohérentes (contraintes, transferts d'énergie ou d'information)
effectuées par tous les Ni agissant de manière
coopérative grâce à leurs liens distingués,
interactions qui ne pourraient pas être réalisées
par les objets du pattern agissant individuellement.
Un
pattern P peut avoir les liens collectifs vers plusieurs objets. P a un
agrégat si, parmi ces liens collectifs, il y en a un "optimal",
c'est-à-dire s'il en existe un (ci: Ni
® N) par lequel tous les autres se factorisent. En termes catégoriques,
ceci signifie que N est la colimite* de P ; nous disons également
que N recolle (Paton [22]) le pattern P ; ou, vu dans la direction
opposée, que P est une décomposition de l'objet complexe
N. La colimite a des propriétés localisées en tant
que donnant une représentation objectale du pattern qu'elle recolle
et qui acquiert ainsi une stabilité dynamique ; mais elle a également
des implications "globales" pour son environnement par suite de sa "propriété
universelle" de factoriser chaque lien collectif.
Une
colimite ne doit pas être confondue avec la simple somme*
des objets du pattern (pris sans leurs liens distingués), qui ne
tient pas compte de leur comportement cohérent. Par exemple, dans
la catégorie des objets quantiques (particules jusqu'aux atomes)
avec leurs interactions, une superposition ou un "entanglement" est une
colimite, alors qu'un état mélangé est seulement
une somme.
2.3
Principe de Multiplicité (MP)
Certaines
interactions entre objets complexes proviennent directement d'interactions
distribuées entre les constituants du niveau inférieur de
ces objets ; en termes d'énergie elles n'ajoutent rien de nouveau
à ce qui est connu à ce niveau inférieur. Dans le
modèle catégorique, elles sont modélisées
par les liens simples : si N est la colimite de P et de N' la colimite
de P', un lien (P,P')-simple* de N à N' est un lien qui
recolle une gerbe de liens de P à P' ; une telle gerbe*
est une famille de liens des objets Ni de P vers les
objets N'j de P', bien corrélés par les
liens distingués des deux patterns, de sorte qu'ils envoient collectivement
des informations cohérentes à P'.
En
gros, un lien simple "institutionnalise" la gerbe, sans ajouter aucune
information qui n'est pas accessible au niveau des patterns. Par exemple,
en embryologie, l'induction d'une population de cellules par une autre
correspond à la formation d'un lien simple. Un composé de
liens simples recollant des gerbes adjacentes est un lien simple.
Cependant
dans certaines catégories il existe les liens qui ne sont pas simples
bien que composés de liens simples, mais recollant des gerbes non
adjacentes ; on les appelle des liens complexes*. Ceci est
possible s'il existe des objets N' qui sont la colimite de deux patterns
non équivalents*, disons P' et R' ; de tels objets sont dits multiface,
et le passage entre P' et R' s'appelle un balancement complexe.
Pendant l'évolution du système, il permet que P' et R' échangent
leur rôle fonctionnel, bien qu'il n'y ait aucune interaction localisée
distribuée parmi leurs constituants.
Nous
verrons que l'existence de balancements complexes a des conséquences
importantes pour le problème de l'émergence. Ainsi nous
avons introduits (Ehresmann & Vanbremeersch [12]) :
Définition.
Une catégorie vérifie le Principe de Multiplicité
(abrégé en MP) si certains de ses objets sont multiface,
c'est-à-dire s'il existe des patterns non équivalents admettant
la même colimite. Un système évolutif satisfait le
MP si ses catégories d'états satisfont le MP.
Si
la catégorie satisfait le MP, il existe des liens complexes. Un
lien complexe de N à N" est obtenu comme composé
d'un lien (P,P')-simple de N à un objet multiface N' avec un lien
(R',P")-simple de N' à N", où P' et R' sont deux décompositions
non équivalents de l'objet multiface N'. Il représente des
propriétés qui ne dépendent pas seulement des interactions
entre les objets des décompositions P et P" de N et de N", mais
également, d'une façon plus compliquée, sur les propriétés
des décompositions P' et R' de l'objet multiface intermédiaire
N' et sur l'existence d'un balancement complexe entre P' et R' (e.g. représentant
une transformation énergétique). Ainsi ce lien a des propriétés
émergentes globales relativement aux décompositions de N
et de N" donnés par P et P", ces nouvelles propriétés
dépendent de la structure de niveau inférieur, mais prise
dans sa globalité et pas seulement localement au travers des constituants
de N et de N". Un composé de liens complexes est un lien complexe
(ou, rarement, un lien simple).
Les
lois de la physique quantique assurent que le MP est satifait dans le
système quantique, modélisant le système des
particules quantiques et des atomes avec leurs interactions. En effet,
un atome est représenté par la colimite de n'importe laquelle
de ses configurations électroniques en orbitales atomiques, et
il y a des balancements complexes entre les configurations liées
à différents niveaux d'énergie. De ceci, nous déduirons
(cf. Section 2,6) que le MP est également satisfait dans
les systèmes naturels, puisqu'ils sont obtenus à partir
de sous-systèmes du système quantique par le procédé
de complexification. Dans de tels systèmes concrets un balancement
complexe correspond généralement à une transformation
d'énergie ; il peut se voir comme une fluctuation aléatoire
dans l'organisation interne d'un objet qui ne modifie pas sa fonctionnalité
au niveau plus élevé : plusieurs micro-états peuvent
mener au même macro-équilibre. Un exemple d'un tel balancement
est le passage entre génotypes avec des allèles différents
mais menant au même phénotype.
2.4
Systèmes Hiérarchiques
Un
système hiérarchique est un Système Evolutif
dans lequel chaque catégorie est hiérarchique, c'est-à-dire
ses objets sont répartis en une suite de niveaux de complexité
0, 1,…, m, de sorte que chaque objet N du niveau n+1 soit
la colimite d'au moins un pattern d'objets liés Ni
du niveau n. Dans ce cas, puisque N est la colimite d'un pattern
P d'objets liés du niveau n et que chacun de ces Ni
est la colimite d'un pattern Pi, l'objet N est la colimite
2-itérée de (P,(Pi)), et (P,(Pi))
est appelé une ramification de N de longueur 2. La ramification
représente une organisation interne de N impliquant deux niveaux,
qui détermine en 2 étapes les liens de N aux autres objets
de la catégorie.
Plus
généralement, nous définissons inductivement une
colimite k-itérée et une k-ramification d'un
objet A de niveau supérieur à k. En gros, A a une
sorte de structure fractale, dont les composants à chaque étape
intermédiaire sont eux-mêmes ramifiés, mais avec de
plus des corrélations entre ces ramifications représentées
par les liens distingués "horizontaux" entre les composants à
chaque niveau.
Si
le MP est satisfait, un objet multiface A a une multiplicité de
ramifications qui rendent cette structure très flexible. En effet,
si nous pensons qu'une décomposition de A attribue des valeurs
particulières ("variables") à certaines caractéristiques
de A, comme les fentes dans un "cadre" (au sens de Minsky [21]), une k-ramification
amplifie le choix puisque des choix successifs peuvent être faits
à chacune de ses k étapes. Le nombre de ramifications
non équivalentes de A arrivant à un niveau inférieur
k donne une mesure de la flexibilité de A, dans le sens
du nombre de ses organisations internes fonctionnelles jusqu'à
ce niveau ; il pourrait être appelé la k-entropie
de A.
2.5
Réductionnisme émergent
Dans
un système hiérarchique, le niveau d'un objet N n'est pas
une bonne mesure de sa complexité "réelle" ; celle-ci est
mesurée par l'ordre de N, qui est le plus petit p
tel qu'il existe un pattern d'objets liés du niveau p admettant
N comme colimite. Et N est dit q-réductible pour tout q
inférieur ou égal à son ordre.
Par
définition, tout objet du niveau n+1 est n-réductible.
Quand est-il p-réductible, pour un p inférieur
à n ? Pour répondre, nous devons classifier
avec plus de précisions les liens : Un lien entre deux objets N
et N' de niveau n+1 est n-simple s'il recolle une gerbe
entre deux patterns de niveau inférieur égal à n.
Il est n-complexe si c'est le composé de liens n-simples
recollant des gerbes non adjacentes, sans être lui-même n-simple.
De plus, il pourrait également exister des liens qui ne sont ni
n-simples ni n-complexes, et qui représentent des
contraintes indépendantes des niveaux inférieurs.
Alors
le résultat suivant a été prouvé dans Ehresmann
et Vanbremeersch [12] :
Théorème.
Un objet N de niveau n+1 est (n-1)-réductible
s'il admet pour décomposition un pattern d'objets Ni
de niveau n dans lequel les liens distingués sont des liens
(n-1)-simples recollant des gerbes adjacentes entre the Ni.
Autrement, N peut ne pas être (n-1)-réductible.
Ce résultat s'étend aux niveaux inférieurs.
Ce
théorème montre les limites du programme réductionniste
strict qui suppose que n'importe quel objet est réductible en une
seule étape, au niveau le plus bas, c'est-à-dire est d'ordre
0. Cependant dans la plupart des systèmes hiérarchiques
naturels, il y a une possibilité de réduction à des
niveaux plus bas, mais en plusieurs étapes et avec émergence
à chaque niveau de nouvelles propriétés reflétant
les propriétés holistiques du niveau précédent.
De tels systèmes sont k-basés, pour un certain k,
dans le sens que les liens de niveau n+1 sont n-simples
ou n-complexes, pour tout n > k, c'est-à-dire
qu'aucune contrainte externe n'est rajoutée dans la "montée"
à partir du niveau k. Dans un tel système non seulement
chaque objet est reconstruit par étapes à partir du niveau
k par une ramification (ce qui est vrai dans n'importe quel système
hiérarchique), mais les liens peuvent également être
reconstruits par étapes puisqu'ils recollent des gerbes du niveau
juste inférieur, ou sont des composés de tels liens. Cependant
cette reconstruction dépend non seulement des propriétés
"locales" des composants de niveau k de l'objet ou du lien (comme
l'exigerait un programme réductionniste), mais également
de la structure "globale" de chaque niveau successif. Ainsi il y a vraiment
émergence de nouvelles propriétés par rapport aux
composants de l'objet.
En
effet, nous avons vu ci-dessus que les propriétés d'un lien
k-complexe de N à N" dépendent non seulement de celles
des patterns que N et N" recollent, mais également de celles des
objets multiface intermédiaires intervenant dans sa construction
ainsi que de leurs balancements complexes ; elles émergent donc
de la structure globale du niveau k.
Maintenant
soit A un objet du niveau k+2. Il peut être reconstruit à
partir du niveau k comme colimite 2-itérée d'une
ramification (R,(Pi)) ; mais, si certains des liens
de R sont complexes, il s'ensuit qu'ils imposent également à
A des propriétés émergeant de la structure globale
du niveau k, et ne reflétant pas seulement les propriétés
locales des composants de niveau inférieur de A.
Nous
pouvons parler d'un "réductionnisme émergentiste" (précisant
ainsi la notion proposée par Mario Bunge [3]). En particulier,
pour les systèmes 0-basés (i.e. si k = 0), le langage
non linéaire du système sera entièrement décodé
à partir des termes primitifs, à savoir les objets du niveau
0 avec leurs interactions, et de la "syntaxe" qui indique comment ils
se recollent ensemble pour construire progressivement les objets et les
liens des niveaux plus élevés en plusieurs étapes
avec, à chaque niveau, émergence de nouvelles propriétés
dépendant de la structure globale du niveau précédent.
De
tels systèmes hiérarchiques peuvent être construits
par le procédé suivant.
2.6
Processus de Complexification
Cette
situation se produit dans les systèmes évolutifs naturels,
qui sont basés sur des sous-systèmes du système quantique.
Durant l'évolution ou le développement d'un système
naturel, le changement d'états est contrôlé par les
processus de "naissance, mort, scission, collision" (Thom [25]) ; pour
une cellule, endocytose, exocytose, décomposition et synthèse
de macromolécules. Ceci est modélisé par le processus
de complexification d'une catégorie relativement à une stratégie.
Une
stratégie S sur une catégorie K est la donnée
de : éléments externes "à absorber" ; objets ou liens
de la catégorie "à supprimer" ou "à décomposer"
; patterns sans colimite "à recoller", de sorte qu'une colimite
soit ajoutée ; cônes "à transformer en cônes
colimite", de sorte que le sommet du cône devienne une colimite
de sa base.
La
complexification de K par rapport à la stratégie
S est une catégorie dans laquelle les objectifs de S sont réalisés
de la manière la plus économique (solution d'un problème
universel). Si la catégorie modélise un système naturel,
économique signifie avec le moindre coût matériel,
temporel, informatique et énergétique.
La
complexification a été explicitement décrite (Ehresmann
et Vanbremeersch [10]) : Ses objets sont : tous les objets de K non supprimés
par S, les éléments à absorber et, pour chaque pattern
P à recoller, un nouvel objet colim P devenant sa colimite, qui
émerge par intégration du pattern en une unité d'ordre
supérieure. Ses liens sont de deux types : liens simples recollant
des gerbes entre les patterns de K, et liens complexes qui sont des composés
des liens simples recollant des gerbes non adjacentes. Dans les termes
de Farre [14], nous pouvons penser à P comme le cycle causal interne,
alors que l'émergence de colim P le sépare de son contexte
en lui donnant un caractère objectal.
Nous
avons vu que l'émergence de nouvelles propriétés
exige l'existence d'objets multiface. Maintenant nous avons :
Théorème.
Si K satisfait le principe de multiplicité, il en est
de même pour toute complexification de K.
Le
processus de complexification peut être itéré, et,
si K satisfait le MP, ses complexifications successives mènent
à l'émergence d'une hiérarchie d'objets complexes
d'ordre croissant de complexité, avec des propriétés
émergeant à chaque niveau. Ainsi le MP explique comment
une émergence "réelle" peut se produire.
Corollaire.
Le MP est satisfait dans le système quantique et dans les systèmes
naturels obtenus par complexifications successives de ses sous-systèmes.
En
effet, nous avons vu dans la Section 2,3 que la physique quantique
implique que le MP est satisfait dans le système quantique. Du
théorème ci-dessus il découle que le MP est également
satisfait dans des complexifications successives de ses sous-sysèmes,
de sorte qu'elles mènent à une hiérarchie d'objets
de plus en plus complexes, modélisant l'évolution de tout
l'univers physique. La plupart des systèmes naturels, en particulier
les systèmes biologiques, neuraux ou sociaux, sont obtenus de cette
façon.
Remarquons
que, dans le système quantique, un balancement complexe résulte
d'un processus quantique. Dans des complexifications successives, il y
aura encore des objets multiface admettant des balancements complexes.
Comme nous avons vu ci-dessus, ils émergent de la structure globale
des niveaux inférieurs, par conséquent sont ultimement basés
sur les propriétés des processus quantiques, tels que la
superposition et la non-localisation. Mais qu'ils puissent être
reconstruits à partir d'une telle base ne signifie pas que les
objets multiface "ont" des propriétés quantiques ; en fait
leurs macro-propriétés sont classiques. Ainsi nous différons
de l'interprétation d'Aerts et al. [1] qui parlent de "quantum-mechanical
properties" pour les interactions cognitives. En fait, leurs exemples
sont facilement traduits en disant que les objets qu'ils considèrent
(par exemple le concept "chat") sont multiface, d'où les propriétés
qu'ils décrivent.
3 SYSTEMES
COGNITIFS JUSQU'A LA CONSCIENCE
Les
systèmes naturels autonomes, tels que les systèmes biologiques,
neuraux ou sociaux, sont obtenus par des complexifications successives
de sous-systèmes du système quantique, comme décrit
ci-dessus, de sorte qu'ils satisfont le principe de multiplicité.
Ces systèmes sont ouverts, auto-régulés, capables
d'enregistrer leurs expériences d'une manière flexible et
de s'adapter à leur environnement par la reconnaissance des situations
déjà rencontrées et le rappel des meilleures stratégies
pour y faire face. Ainsi ce sont des systèmes anticipatifs ("anticipatory
systems") au sens de Rosen [24], concept développé par beaucoup
d'auteurs, en particulier Dubois (cf. [7]). Cependant nous n'employons
pas cette terminologie mais préférons les considérer
inversement comme ayant une "mémoire". Dans [11], nous avons présenté
un modèle pour ces systèmes, appelé Systèmes
Evolutifs à Mémoire (SEM).
3.1 SEM
Le
processus de complexification suppose d'abord qu'une stratégie
a été choisie sur la catégorie à complexifier.
Dans les systèmes autonomes, les stratégies seront choisies
d'une façon interne, en tenant compte de l'information venant de
l'environnement et de l'état interne. Pour ceci, nous supposons
qu'il existe un réseau d'organes internes de régulation,
appelés CoRégulateurs (CR). et ces CR participeront
au développement d'une mémoire centrale pour enregistrer
les différentes expériences.
Plus
précisément, un SEM est un système évolutif
hiérarchique dont l'architecture est un compromis entre un système
parallèle distribué multi-agents, et un réseau associatif
hiérarchique. Il a un sous-système hiérarchique,
appelé la mémoire et noté Mem qui se
développe au cours du temps pour enregistrer et stocker les différentes
situations rencontrées et les stratégies utilisées,
de sorte qu'elles puissent être rappelées plus tard. Sa dynamique
est modulée par la coopération et/ou la compétition
entre un réseau de sous-systèmes, les CoRégulateurs
(CR).
Chaque
CR opère, à son propre niveau de complexité et avec
sa propre temporalité, un processus d'apprentissage par essais/erreurs,
en utilisant son accès différentiel à la mémoire
centrale au développement de laquelle il participe. À un
moment donné, un CR ne peut acquérir que des informations
partielles sur le système et sa situation, informations plus ou
moins limitées selon le niveau de complexité de ses objets
(appelés ses agents) ; par exemple, dans un système
neural, un CR inférieur peut ne percevoir qu'un certain attribut
(tel que la couleur ou la forme) tandis que des CR associatifs plus élevés
ont une plus grande base, pouvant contrôler plusieurs CR inférieurs.
Ces informations forment son paysage actuel*.
Nous
pouvons penser à un CR comme étant un observable, dont le
paysage est l'espace d'observation contenant les mesures particulières
qu'il peut faire. Mais le CR ne "mesure" pas seulement ; il a également
un rôle "actif" dans le choix d'une stratégie pour répondre
à l'information qu'il a reçue. Ceci pourrait être
comparé à la notion d'une transaction dans l'interprétation
transactionnelle de la physique quantique (Cramer [5]) : le CR envoie
une "question" ("offer wave") à la mémoire qui active d'anciennes
expériences semblables et les stratégies utilisées
alors avec leurs résultats, celles-ci sont reflétées
dans le paysage ("confirmation wave"), éventuellement comparées,
et la "transaction" est réalisée par le choix d'une stratégie
et l'envoi des commandes correspondantes aux effecteurs. Si la commande
concerne un objet multiface, sa réalisation peut choisir n'importe
laquelle de ses décompositions (à comparer à la "réduction"
de la fonction d'onde, ou "collapse of a wave packet"). Quelle décomposition
est utilisée dépendra du contexte, par exemple des stratégies
simultanément choisies par les autres CR.
En
effet, chaque CR opère indépendamment sur son paysage, mais
tous les CR partagent les ressources communes du système. Ainsi
les stratégies des différents CR sont répercutées
au système entier où elles doivent être rendues cohérentes
et respecter les contraintes structurales et temporelles de chaque CR.
Ceci est réalisé par un processus d'équilibration,
appelé "le jeu entre les stratégies". Il peut avoir comme
conséquence des fractures pour certains CR, s'il y a des
incompatibilités qui ne peuvent pas être résolues.
Ce
jeu repose fortement sur l'existence de balancements complexes, qui permettent
de réaliser les diverses commandes d'une stratégie en choisissant
parmi leurs ramifications celles qui donnent l'ensemble le plus cohérent.
Il en résulte une dialectique entre CR hétérogènes
de par leur temporalité et leur complexité, basée
sur des boucles fonctionnelles, qui peut expliquer l'émergence
de phénomènes complexes adaptatifs.
3.2
SEM des neurones
Maintenant
concentrons-nous sur un système cognitif, correspondant au développement
et au fonctionnement du système nerveux d'un animal supérieur.
Il est modelé par le SEM des neurones, obtenu par complexifications
successives de la catégorie des neurones définie
comme suit : ses objets sont les neurones, les liens sont des classes
de chemins synaptiques entre neurones, deux tels chemins étant
identifiés s'ils sont fonctionnellement équivalents, c'est-à-dire
s'ils ont la même force. Comme cette catégorie est elle-même
la complexification d'un sous-système du système quantique,
elle satisfait le MP ; par conséquent il en est de même pour
le MES des neurones obtenu par ses complexifications successives. Voyons
ce que ceci signifie dans ce cas.
La
réponse d'un système neural à un stimulus simple
est l'activation d'un neurone spécialisé particulier ; par
exemple, dans les aires visuelles, il existe des cellules "simples" représentant
un segment d'une direction donnée, et des cellules "complexes"
représentant un angle particulier. Mais des stimuli plus complexes,
à quelques exceptions près (par exemple, un neurone activé
par une main tenant une banane pour un singe), n'ont pas leur propre "neurone
de grand-mère'. Le développement de l'imagerie neuronale
semble confirmer l'idée "associationniste" : des stimuli sensoriels
complexes, ou des programmes moteurs, sont représentés par
l'activation synchronisée de courte durée d'une assemblée
spécifique de neurones. Et l'apprentissage consisterait en la formation
de telles assemblées synchrones, par le renforcement des
synapses entre leurs neurones, selon la règle déjà
proposée par Hebb [15] : la force d'une synapse entre deux neurones
est renforcée si les deux neurones sont activés en même
temps, et diminuée si l'un est activé alors que l'autre
ne l'est pas.
Dans
notre modèle, une assemblée de neurones est représentée
par un pattern P dans la catégorie des neurones Neur. La synchronisation
de cette assemblée sera modélisée par l'émergence
d'une colimite de ce pattern dans une complexification de Neur ; cette
colimite, qui fonctionne comme un "neurone d'ordre supérieur" unique
intégrant l'assemblée synchrone, est appelé un neurone
de catégorie (ou simplement un cat-neurone). La construction
de la complexification détermine ce quels sont les "bons" liens
entre les cat-neurones, par conséquent entre les assemblées
synchrones de neurones, donnant ainsi une réponse au "binding problem"
étudié en neuroscience (cf. von der Malsburg [19]). Le MP
étant satisfait, le même cat-neurone peut représenter
différentes assemblées synchrones, ce qui explique la flexibilité
de la mémoire. Et ceci permet de définir, par des itérations
du processus de complexification, des cat-neurones de plus en plus complexes,
représentant des assemblées d'assemblées de neurones...
correspondant au développement d'objets mentaux et de processus
cognitifs d'ordre supérieur.
Ainsi
les résultats généraux exposés dans la Section
2 montrent dans quel sens précis les processus cognitifs
de n'importe quel niveau sont basés sur des processus quantiques.
Remarquons que plusieurs auteurs ont proposé que les processus
quantiques soient responsables des processus cognitifs, mais sans décrire
exactement de quelle manière. En fait leurs théories peuvent
être vues comme reposant sur l'existence de balancements complexes,
mais seulement au niveau sous-cellulaire : pour Pribram [23] via les teledendrons
et les dendrites ; pour Hameroff et Penrose [16] via les microtubules
; pour Eccles [8] au niveau synaptique.
Le
MP au niveau des assemblées de neurones a été déjà
mis en évidence par Edelman [9] sous le nom de "principe de dégénérescence"
(par analogie avec la "dégénérescence" du code génétique
du fait que le même acide aminé peut être codé
par deux codons différents).
3.3
La Mémoire
La
mémoire Mem se développe sous l'action collective
des différents CR et du jeu entre leurs stratégies. Elle
enregistre de manière flexible bien qu'assez stable les diverses
expériences du SEM. Elle a un rôle central, puisque ses objets,
appelés empreintes, peuvent être perçus par
les différents CR sous des aspects différents et avec différentes
décompositions; ainsi des CR inférieurs peuvent ne percevoir
qu'un certain attribut (par exemple, couleur, forme,…) de l'objet mémorisé.
Montrons
comment un stimulus externe QM sera mémorisé.
Dans son paysage, un CR inférieur, disons E, perçoit seulement
les aspects r' d'un sous-pattern R des récepteurs correspondant
à un attribut particulier (par exemple, couleur) ; R est mémorisé
par la formation d'une colimite M' qui représente la E-empreinte
de l'événement, éventuellement vue par son aspect
m' dans le paysage de E. De la même façon, un CR supérieur
qui voit les aspects rM d'un plus grand pattern de récepteurs
RM formera son empreinte M de QM, vue par son aspect
m dans le paysage du CR. Par suite du jeu entre les stratégies,
M est également la colimite des empreintes (telles que M') formées
par les CR inférieurs que le CR supérieur contrôle.
Plus
tard si le même stimulus est rencontré à nouveau,
l'empreinte peut être rappelée au travers des paysages des
différents CR, et être activée par l'intermédiaire
de n'importe laquelle de ses ramifications. Les empreintes des stimuli
externes (transmis par les récepteurs sensoriels) et de leurs liens
forment un sous-système de Mem, appelé la mémoire
empirique, et notée Emp. Les stratégies utilisées
et leurs résultats sont également enregistrés, et
forment un sous-système de Mem appelé la mémoire
procédurale, dénotée par Strat ; elle
contient des empreintes des différents comportements de l'animal.
3.4
Sémantique
Le
système neural d'un animal supérieur peut non seulement
mémoriser ses expériences de toute nature, mais aussi classifier
leurs empreintes en classes d'invariance. Pour modéliser ce processus
de classification dans le SEM des neurones, nous supposons que les complexifications
successives ajoutent également des limites, appelées CR-concepts,
classifiant les classes d'invariance des empreintes selon certains de
leurs attributs. Une telle classification exige une réflexion interne,
avec des CR inférieurs effectuant une classification "pragmatique',
et des CR supérieurs capables "d'interpréter" cette classification
et de lui donner une représentation.
En
effet, soit E un CR inférieur correspondant à un certain
attribut (par exemple couleur) ; un stimulus externe QM (ou
son empreinte M) active un pattern P d'agents de E, appelé E-trace
de M. Deux items sont "agis" comme équivalents par E s'ils ont
la même E-trace ; par exemple, dans un couleur-CR, c'est le même
pattern de récepteurs qui est activé par tous les objets
bleus.
Mais
cette classification prend sa signification seulement au niveau d'un CR
de niveau plus élevé avec une plus longue période,
capable de percevoir que différentes empreintes ont la même
E-trace (la même couleur), et d'enregistrer ce résultat dans
la mémoire sous la forme d'un objet (la couleur "bleu') représentant
la classe entière de ces empreintes. Cet objet, appelé le
E-concept de M, est construit comme étant la limite*
(projective) S de P, vue par son aspect s dans le paysage du CR.
Il y a un lien gM de M vers S, modélisant le fait que
M est une instance du concept S.
L'activation
du concept S peut activer l'une quelconque de ses instances, avec un va-et-vient
possible entre deux instances M et N. De plus la seule activation de M
peut activer son concept S qui peut alors activer une autre instance N
de S, de ce fait débutant un va-et-vient entre M et N. Les CR-concepts
relatifs aux divers CR sont à la racine de la formation, par complexifications
successives, de concepts généraux, construits en
tant que limites itérées de patterns de CR-concepts. Tout
d'abord sont formés des concepts classifiant simultanément
plusieurs attributs (e.g. triangle bleu), et puis des concepts plus abstraits
obtenus comme limites de patterns de tels concepts "concrets" liés
par des liens complexes.
Un
concept peut être considéré comme un prototype abstrait
pour une classe d'objets ayant une "ressemblance de famille" (au sens
de Wittgenstein) ; il ne nécessite pas l'existence d'un langage.
La
réactivation ultérieure d'un concept se fonde sur une double
indétermination : va-et-vient entre différentes instances
du concept, puis balancement complexe entre différentes ramifications
de ces instances. Remarquons que ces deux opérations de "balance"
sont à caractère quelque peu dual : Le balancement complexe
entre deux patterns correspond à une alternative entre deux décompositions
non-équivalentes d'un même objet d'ordre supérieur
; le choix de l'un d'eux peut être vu comme étant un analogue
classique de la réduction ("collapse") de la fonction d'onde d'une
superposition quantique. Le va-et-vient entre deux instances d'un concept
correspond à une alternative entre deux présentations différentes
des attributs qu'ils ont en commun ; il peut se voir comme étant
un analogue classique d'un processus de non-localisation, les attributs
étant présentés de manière différente
dans les deux instances. (Ce sont ces extensions des propriétés
quantiques que Aerts et al. [1] mettent en lumière.) Dans
le premier cas, les deux alternatives fusionnent au niveau supérieur
; dans le second, elles apparaissent par dissociation d'une base commune.
Les
concepts et leurs liens forment un sous-système de Mem,
appelé la mémoire sémantique et dénoté
par Sem.
Le
développement d'une mémoire sémantique ajoute de
la flexibilité au jeu entre les stratégies des CR. En effet,
il se formera des concepts représentant des classes d'invariance
de stratégies dans la mémoire procédurale Strat,
et le choix d'une stratégie par un CR supérieur sera fait
sous la forme d'un tel concept, au lieu d'une stratégie spécifique
de sa classe d'invariance. Ceci ajoute un nouveau degré de liberté
dans la formation de la stratégie globale effectivement réalisée
par le système à un moment donné, puisque le jeu
entre les stratégies peut choisir parmi les stratégies de
la classe d'invariance choisie par un CR celle qui est la mieux adaptée,
compte tenu des stratégies transmises par les autres CR. Par exemple,
la commande de saisir un objet sera modulée selon l'objet à
saisir.
3.5
Le Noyau Archétypal
Nous
avons vu que la mémoire Mem contient 3 sous-systèmes
avec des liens entre eux : la mémoire empirique Emp, la
mémoire procédurale Strat, et la mémoire sémantique
Sem où les empreintes sont classifiées en concepts.
Maintenant nous allons établir une distinction parmi les empreintes
selon la différence de leur force, mettant ainsi en évidence
2 autres sous-systèmes de Mem : le noyau archétypal
AC et la mémoire expérientielle Exp.
Les
empreintes des patterns qui sont activés plus souvent et pendant
une plus longue période, à partir de la naissance (par exemple,
aspects stables de l'environnement contrairement à ceux plus variables,
émotions profondes,…) et leurs liens forment un sous-système
particulier de la mémoire, appelé le noyau archétypal,
dénoté par AC ("archetypal core"). Il se développe
pour intégrer les principales expériences sensorielles,
proprioceptives, motrices, états internes …, avec leur coloration
émotive, et les relier en patterns aux liens forts, rapidement
activés et graduellement renforcés. Il représente
une mémoire "affective" personnelle de l'animal, de son corps,
de ses expériences, des connaissances acquises qu'elles soient
pragmatiques, sociales ou conceptuelles, ainsi que des stratégies
de base qui leur sont associées.
Les
liens archétypaux peuvent être activés de façon
autonome, de sorte que tout un sous-système de AC soit activé
dès qu'une petite partie en est stimulée. Et quelles que
soient les variations des stimuli cette auto-activation au travers des
liens du noyau archétypal peut être maintenue assez longtemps.
Elle est engendrée par des suites de boucles basées sur
des va-et-vient entre diverses instances de ses concepts et des balancements
complexes entre leurs ramifications (dans le système neural, elle
repose sur les boucles thalamo-corticales). Par exemple une empreinte
dans AC (disons le ciel bleu) est également archétypalement
liée à d'autres empreintes, non seulement de perceptions
ou de processus moteurs mais également d'états et d'émotions
internes (soleil, chaleur, bien-être, nager,…).
Certaines
empreintes représentent des expériences qui sont assez significatives
pour être reliées par des liens forts au noyau archétypal,
mais sans lui appartenir ; celles-ci avec leurs liens forment un sous-système
de Mem, appelé la mémoire expérientielle,
dénotée par Exp (à comparer à la "value-category
memory" de Edelman [9]). Ses objets peuvent représenter des stimuli
externes aussi bien que des états internes, des comportements ou
des stratégies, ou une association de tels.
Chaque
empreinte N dans Exp est liée à un objet "le plus
proche" de AC dans le sens que l'activation de N réactive
l'expérience archétypale la plus étroitement liée
à N, qui diffuse alors l'activation à d'autres expériences
liées à celle-ci dans AC, et l'activation s'étend
ainsi en boucles qui s'auto-entretiennent longtemps et peut se propager
à des aires proches. Formellement, AC est un sous-système
réflexif* de Exp au sens suivant : pour chaque N dans
Exp, il existe un lien de N vers un objet de AC. par lequel
tout autre lien de N à un objet de AC se factorise de manière
unique.
Par
des complexifications successives dirigées par le réseau
des CR, la mémoire se développe et s'étend par formation
de nouvelles colimites M qui deviennent des empreintes empiriques ou procédurales.
Une telle empreinte est liée par une gerbe à un pattern
d'expériences proches Ni dans la mémoire
expérientielle. Formellement, Exp est un sous-système
final* de Mem. Puisque, comme dit ci-dessus, le noyau archétypal
est un sous-système réflexif de Exp, chaque Ni
activé par M rappelle également l'empreinte archétypale
qui lui est la plus proche N', à partir de laquelle l'activation
s'étend à d'autres empreintes Q le long des différents
liens du noyau archétypal.
L'organisation
de la mémoire est encore précisée par l'identification
par un CR d'une identité sémantique entre empreintes, ce
qui permet de les classifier en concepts. Si les liens d'une empreinte
à Exp deviennent assez forts, elle sera intégrée
dans Exp, et probablement aussi plus tard dans le noyau archétypal.
Tandis que seulement une partie de la mémoire empirique deviendra
expérientielle, l'intégralité de Strat et
de Sem se développeront en sous-systèmes de Exp.
et, au moins au début, la majorité de Exp est progressivement
intégrée dans le noyau archétypal, en priorité
les empreintes d'états internes.
Par
exemple, le noyau archétypal d'un enfant en bas âge contient
déjà un réflexe pour saisir. Il se développera
progressivement en une stratégie sensori-motrice bien dirigée
pour prendre un objet : un CR visuel apprendra à identifier certains
objets (dans Emp), un CR "émotif" rappellera le plaisir
(dans AC) de tenir ces objets, un CR moteur rappellera les mouvements
pour saisir ces objets (stratégie dans Strat). Quand le
bébé identifie un tel objet, les liens entre ces différentes
empreintes sont activés, avec des va-et-vient entre les différentes
instances des concepts qui leur sont associés, de sorte que ces
CR coopèrent par le jeu entre leurs stratégies pour s'efforcer
de saisir l'objet. Le bébé apprendra à ajuster ses
mouvements selon la taille et la forme de l'objet, et ceci sera mémorisé
par la formation d'une colimite représentant l'acte particulier,
puis la formation d'un concept archétypal du comportement sensori-moteur
général de "saisie d'un objet'.
3.6
Paysage étendu. Conscience
Nous
appuyant sur les résultats ci-dessus et sur ceux de Ehresmann et
Vanbremeersch [13], nous proposons de caractériser la conscience
comme un processus en 3 parties reposant sur le développement du
noyau archétypal qui, toujours en arrière plan, agit en
tant que référent et filtre : (i) formation d'un paysage
étendu "holiste" sur lequel peut être opérée
(ii) une rétrospection vers le passé pour trouver les causes
d'un événement, et (iii) une prospection vers le futur pour
trouver les stratégies les mieux adaptées. Le degré
de conscience dépendra du développement du noyau archétypal
: plus il est développé et plus étendu sera le paysage
construit, ce qui conduit à une recherche plus profonde dans le
passé et à un choix de stratégies à plus long
terme. Ces processus sont définis comme suit :
Supposons
que, dans le bruit de fond empirique, apparaisse un nouvel événement
significatif qui n'a aucune réponse automatique (par exemple, une
fracture dans le paysage d'un CR supérieur). Il détermine
immédiatement une augmentation de l'attention (activation de la
formation réticulaire), ce qui déclenche une recherche sémiotique
dans la mémoire via les CR de tous les niveaux (couleur, forme,
…) jusqu'à la sémantique pour essayer d'identifier l'évènement,
utilisant des processus de va-et-vient entre instances d'un concept et
de balancements complexes entre leurs ramifications. En effet, parmi les
empreintes ainsi activées certaines forment des patterns admettant
la même projection sémantique que des empreintes archétypales
ou des expériences non-archétypales dans Exp. Il
s'ensuit que les paysages de CR supérieurs perçoivent, pour
l'un C1 des aspects venant du noyau archétypal, pour un autre C2
des aspects venant de la mémoire empirique et de la mémoire
expérientielle. Comme les deux CR sont reliés par les perspectives
des liens entre Emp, Exp et AC, ces CR forment ensemble
une perception alternative, ambivalente de l'expérience et du stimulus
empirique. Un CR encore supérieur reçoit une alternative,
à différents intervalles, des aspects de ces empreintes
empiriques, expérientielles et archétypales et de leurs
diverses ramifications. Chaque CR agit selon sa propre temporalité
; les alternatives d'origine archétypale par définition
sont plus rémanentes, étant réactivées sur
une plus grande durée que celles de la mémoire empirique.
(i)
De cette façon, des CR supérieurs relient les paysages des
différents CR qu'ils contrôlent, en tenant compte des expériences
spécifiques du sujet telles qu'elles sont reflétées
par le noyau archétypal. Ainsi est formé un paysage étendu
"holiste', dont les objets sont les perspectives temporelles de l'événement
et de ses réflexions internes, en particulier dans le noay archétypal
(à comparer au "Global Workspace model" ou au "théâtre"
de Baars [2]). Physiologiquement sa construction se fonde sur l'existence
des boucles fonctionnelles entre les diverses parties du cerveau, qui
forment ce que Edelman ([9], p. 100) appelle la "boucle de conscience".
(ii)
Un processus de rétrospection, basé sur une suite
de va-et-vient entre instances et de balancements complexes entre leurs
ramifications, sera opéré sur ce paysage étendu ;
il permet d"accèder aux niveaux inférieurs du passé
proche pour trouver, par abduction, les causes possibles de l'événement
actuel.
(iii)
Enfin un processus de prospection (orienté vers le futur)
choisira des stratégies à long terme pour plusieurs étapes,
de sorte à répondre de la manière la plus adaptative.
Ceci est accompli par la formation, à l'intérieur du paysage
étendu, de paysages virtuels, avec l'aide du noyau archétypal
et de la mémoire entière, dans lesquels les stratégies
successives (choisies sous forme de concepts) peuvent être "essayées"
sans coût matériel pour le système.
Dans
ce modèle, l'évolution du noyau archétypal et de
la conscience se fonde sur l'existence de va-et-vient entre instances
et de balancements complexes entre leurs ramifications, ce qui résulte
du MP. Elle prend en compte l'expérience entière, qu'elle
soit perceptive, comportementale ou émotive (le rôle des
émotions a bien été souligné par Damasio [6]),
avec une intégration des dimensions temporelles. La permanence
du noyau archétypal, ou du moins sa modification très progressive,
serait la base de la notion du "soi". Et pour le "hard problem", les qualia
pourraient correspondre aux perspectives des objets du noyau archétypal
dans le paysage "conscient" étendu.
L'évolution
d'une telle conscience donne un avantage sélectif, puisqu'elle
permet de rechercher les causes d'un événement au lieu de
ne réagir qu'à ses effets. Et en programmant sur le long
terme, des stratégies plus efficaces peuvent être conçues,
moins assujetties aux conditions immédiates.
Ceci
ne nécessite pas un langage (des animaux supérieurs peuvent
avoir une telle conscience). Mais le langage rend les processus plus efficaces,
parce que l'information complexe (cat-neurones d'ordre supérieur)
peut être stockée sous la forme plus compacte de mots, et
plus d'opérations peuvent être effectuées à
l'aide de ces mots. La conséquence en est le développement
d'une "algèbre des objets mentaux" (au sens de Changeux [4]) plus
riche et de processus cognitifs d'ordre supérieur, dépendant
fortement des interactions sociales, de la communication et de l'éducation.
4
DEFINITIONS MATHEMATIQUES
- Une catégorie
est un (multi)graphe orienté sur lequel est donnée
une loi de composition qui associe à 2 flèches successives
f: N ® N' et f': N' ® N" une flèche ff':
N ® N". Cette composition doit satisfaire 2 axiomes :
(i)
Associativité : À chaque chemin de longueur n est
associé un composé unique, indépendant de sa 2-2
décomposition;
(ii)
Identité : à chaque sommet est associée une flèche
fermée dont le composé avec n'importe quelle autre flèche
redonne cette flèche.
Les
sommets du graphe sont appelés les objets de la catégorie,
et ses flèches les morphismes (ou les liens).
Un
foncteur partiel d'une catégorie K vers une catégorie
K' est une application F d'une sous-catégorie C de K dans K' qui
associe à chaque objet N de C un objet F(N) de K et à chaque
lien f de N vers N' dans C un lien F(f) de F(N) vers F(N')
dans K', de sorte que le composé ff' soit appliqué
sur le composé des images de f et de f'.
- Un pattern
(ou diagramme) P dans une catégorie est formé par une
famille d'objets Ni de la catégorie et de liens
distingués entre eux.
Un
lien collectif de P vers un objet N' est une famille de liens fi:
Ni ® N' corrélés par les liens distingués
du pattern dans le sens que, si g est un lien dans P de Ni
vers Nj, alors gfj = fi
.
P
a une colimite (ou limite inductive) s'il existe un objet N tel
que :
(i)
("propriété universelle") il existe un lien collectif (ci)
de P vers N ; et
(ii)
chaque lien collectif (fi) de P vers n'importe quel
objet N' se recolle en un lien unique f de N vers N' tel que fi
= cif pour chaque i.
Si
un pattern a une colimite, elle est unique (à un isomorphisme près).
La
somme (ou coproduit) S de la famille des objets (Ni)
est la colimite du pattern constitué par ces objets sans aucun
lien distingué. Si cette somme S existe ainsi que la colimite N
de P, il y a un morphisme canonique de "comparaison" de S vers N.
La
limite (projective) d'un pattern P dans la catégorie K est
la colimite du pattern opposé dans la catégorie opposée
à K (obtenue en changeant la direction de ses morphismes).
- Si P et
P' sont des patterns, une gerbe de P vers P' est une famille
maximale de liens des objets de P vers les objets de P' telle que :
(i)
Chaque objet de P est lié au moins à un objet de P', et
s'il est lié à plusieurs ses liens sont corrélés
par un zigzag de liens distingués de P'.
(ii)
le composé d'un lien de la gerbe avec un lien distingué
de P ou de P' est également dans la gerbe.
Si
P et P' admettent des colimites N et N' respectivement dans la catégorie,
une gerbe de P vers P' se recolle en un lien unique de N vers N' appelé
un lien (P,P')-simple. Le composé de deux liens simples
recollant des gerbes adjacentes est toujours un lien simple : si f
est (P,P')-simple et si f' est (P',P")-simple, alors leur composé
ff' est un lien (P,P")-simple.
Mais
le lien (P,P')-simple f pourrait ne pas être (Q,Q')-simple
pour d'autres décompositions Q de N et Q' de N'. Deux décompositions
P et Q d'un objet N sont dites équivalentes s'il existe
une gerbe de P vers Q qui se recolle en l'identité de N, de sorte
que cette identité soit un lien (P,Q)-simple. Sinon, nous disons
que P et Q sont des décompositions non équivalentes de N.
Un
lien complexe est un composé des liens simples liant des
gerbes non adjacentes, avec balancements complexes entre les différentes
décompositions des objets multiface intermédiaires.
- Un
Système Evolutif K est la donnée de : une échelle
de temps T, qui est une partie discrète ou non, finie ou non,
de l'ensemble des réels positifs ; une catégorie Kt
pour chaque instant t de l'échelle de temps ; un foncteur
partiel, appelé transition de Kt à
Kt' pour chaque t < t'.
Un
sous-système L de K est un système
évolutif dont l'échelle de temps est un sous-ensemble S
de T et dont la catégorie Ls est une sous-catégorie
de Ks pour chaque s dans S.
L
est un sous-système final de K si S = T et si pour
chaque objet N de Kt il existe une gerbe du pattern
réduit à N vers le pattern représenté par
Lt.
L
est un sous-système réflexif de K si S
= T et si, pour chaque objet N de Kt il existe un objet
N' de Lt et un morphisme h de N vers N' tels
que tout morphisme de N vers un objet de Lt se factorise
de manière unique par h.
- Dans un
système hiérarchique, le MP peut être renforcé
comme suit :
(i)
Il existe des objets du niveau n+1 qui sont n-multiface,
dans le sens qu'ils admettent au moins deux décompositions non
équivalentes en patterns du niveau n.
(ii)
Un objet du niveau n peut appartenir à plusieurs patterns
admettant des colimites différentes au niveau n+1.
- Le paysage
actuel d'un CR au temps t est construit comme suit. Un objet
B du système a un aspect b pour le CR si b
est un lien de B vers un objet (ou agent) du CR ; deux aspects sont
dans la même perspective s'ils sont corrélés
par un zigzag de liens entre les agents du CR (de sorte qu'ils transmettent
la "même" information au CR). Le paysage L est la catégorie
dont les objets sont les perspectives venant des objets d'un niveau
adjacent au niveau du CR et qui perdurent pendant l'étape actuelle
du CR (sa longueur est déterminée par l'échelle
de temps du CR). Les morphismes viennent des morphismes dans le système,
de sorte qu'il y a un foncteur "distorsion" de L vers le système
(il mesure extérieurement de combien est déformée
l'information partielle perçue par le CR).
Une
étape pour le CR consiste en : formation de son paysage actuel
L, choix d'une stratégie sur ce paysage (en utilisant la mémoire),
transmission des commandes correspondantes aux effecteurs. Le paysage
anticipé à l'étape suivante devrait être la
complexification L' de L relativement à cette stratégie.
Le CR peut alors évaluer si les objectifs ont été
atteints par un foncteur "comparaison" de L' vers le paysage effectifement
obtenu à cette étape suivante.
5
CONCLUSION
Dans
cet article, nous avons proposé un modèle mathématique,
basé sur la théorie des catégories, pour les processus
d'émergence qui mènent progressivement à l'évolution
de l'univers à partir du niveau quantique jusqu'au niveau des organisations
complexes et même des êtres conscients. Cette évolution
est décrite comme une succession de processus de complexification,
dans lesquels des patterns d'objets interagissant sont agrégés
pour former de nouveaux objets d'ordre plus élevé prenant
leur propre identité complexe (représentés dans le
modèle catégorique par la colimite du pattern). Ce que nous
essayons d'expliquer est dans quel sens un tel nouvel objet N a des propriétés
globales émergentes comparées aux propriétés
du pattern P qu'il recolle, c'est-à-dire comparées aux propriétés
locales des objets de sa décomposition P.
Au
niveau atomique, un atome recolle le pattern constitué par sa configuration
électronique en orbitales atomiques. Mais la physique quantique
affirme que l'atome a plusieurs telles configurations correspondant à
différents niveaux d'énergie ; nous disons que c'est un
objet "multiface". Nous affirmons que cette propriété est
la clef du problème de l'émergence.
En
effet, plus généralement N' est un objet multiface
s'il admet des décompositions en 2 patterns, disons P' et R', non
équivalents, de sorte qu'il puisse "balancer" entre ces deux décompositions
; ce fait ne peut pas être identifié juste en considérant
P' et R', mais dépend de la structure entière du niveau
inférieur auquel ils appartiennent (le niveau quantique si N' est
un atome). L'existence d'objets multiface entraîne l'existence de
deux sortes de liens : un lien (P,P')-simple f de N vers N' ne
fait que recoller une gerbe de liens entre les objets des décompositions
P de N et P' de N', et donc n'ajoute pas de propriétés "nouvelles"
relativement au niveau inférieur. Mais il existe également
des liens complexes qui sont des composés de liens simples liant
des gerbes non adjacentes, par exemple, un lien de N à N" qui est
le composé de f avec un lien (R',P")-simple f' de
N' à N", où N' est multiface ; ce lien représente
de nouvelles propriétés émergeant au niveau de N
et de N", puisqu'il dépend non seulement "localement" des constituants
de N et de N" du niveau plus bas (réductionnisme) mais aussi "globalement"
de la structure entière de ce niveau plus bas de par l'existence
d'un balancement complexe entre P' et R'.
Par
un raisonnement catégorique, nous prouvons que, si un système
a des objets multiface (nous disons qu'il satisfait le principe de multiplicité
MP), il en est de même pour toutes ses complexifications successives,
et celles-ci mènent à la formation d'objets ayant des ordres
croissants de complexité, reliés par des liens complexes
qui représentent, à chaque niveau, de nouvelles propriétés
émergentes (dans le sens ci-dessus). Comme le système quantique
satisfait le MP, il s'ensuit qu'il en est de même pour tous les
systèmes naturels qui ont évolué à partir
de lui ou de ses sous-systèmes par complexifications successives.
Dans
la section 3, nous avons appliqué ce résultat à
certains systèmes autonomes anticipatifs, tels que les systèmes
biologiques et plus particulièrement les systèmes cognitifs,
modélisés dans le cadre catégorique par les Système
Evolutifs à Mémoire (SEM). Les complexifications successives
de la catégorie des neurones mènent à l'émergence
de processus cognitifs de plus en plus complexes. Rappelant certains de
nos articles précédents, nous décrivons le développement
d'une mémoire générale, et d'une classification de
ses objets (ou empreintes) dans une mémoire sémantique.
Et nous cherchons à étudier comment la conscience peut surgir.
La
nouvelle idée ici est que l'émergence de la conscience repose
sur la formation, à partir de la naissance, d'un sous-système
de la mémoire, le noyau archétypal, constitué d'objets
multiface, qui intègre les principales expériences sensorielles,
proprioceptives, motrices, internes …, avec leurs composantes émotives,
et les relie en patterns aux liens forts, rapidement activés et
graduellement renforcés. Un nouvel événement déclenche
une recherche sémiotique dans le noyau archétypal et dans
les empreintes qui lui sont liées, avec va-et-vient entre leurs
instances et balancements complexes entre les différentes décompositions
de celles-ci. Il mène à la formation d'un paysage étendu
holiste, dans lequel sont effectués : un processus de rétrospection
vers le passé proche pour trouver les causes de l'événement,
et un processus de prospection vers l'avenir pour choisir des stratégies
à long terme.
Ainsi
la conscience apparaît comme un processus qui tient compte de l'expérience
entière du sujet, avec ses aspects multiples, qui intègre
les dimensions temporelles, et donne des avantages évolutifs en
permettant des réponses mieux adaptées. Elle se fonde sur
le niveau quantique, non pas directement comme plusieurs auteurs l'ont
suggéré, mais par une longue suite d'étapes, conduisant
à l'émergence progressive d'objets de plus en plus complexes
pendant l'évolution, émergence qui, comme dit ci-dessus,
repose sur le fait que le MP est satisfait dans le système quantique,
ce qui entraîne sa satisfaction dans les complexifications qui s'en
déduisent.
Remerciements.
Nous remercions
Jerry Chandler, George Farre et Brian Josephson pour des éhanges stimulants
sur des problèmes proches de ceux abordés ici.
REFERENCES
1.
Aerts, D., D'Hondt, E., Gabora, L., "Why the Disjunction in Quantum Logic
is Not Classical", Foundations of Physics 30, Issue 10 (2000).
2.
Baars, B. J., In the theatre of consciousness : The workspace of the
mind, Oxford University Press, Oxford, 1997.
3.
Bunge, M., Treatise of basic Philosophy vol. 4, Reidel, 1979.
4.
Changeux, J.-P., L'Homme Neuronal, Fayard, Paris, 1983.
5.
Cramer, J. J., "The transactional interpretation of quantum mechanics",
Review of Modern Physics 58, 647-688 (1986).
6.
Damasio, A., The Feeling of What Happens : Body and Emotion in the
Making of Consciousness, Harcourt Brace, New York, 1999.
7.
Dubois, D., "Introduction to computing anticipatory systems", in Computing
anticipatory systems edited by D. Dubois, CASYS First International
Conference, Liège, Belgium, August 11-15, 1997, AIP Conference
Proceedings 437, New York, 1998.
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